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Guyane, je te vois souffrir
par Alain Mathey

Je voudrais juste apporter mon témoignage et mon modeste soutien après la lecture de l’article « Approuague et orpaillage, personne ne vous croira » rédigé par Pierre-Michel Forget rapporté par blada, article particulièrement rigoureux et détaillé.

J’ai été amené depuis 1992 et ce pendant plusieurs années à me déplacer régulièrement en Guyane pour des périodes de 3 à 5 semaines et ce plusieurs fois par an. En 98 j’y ai résidé durant 6 mois.

Je suis très rapidement tombé amoureux de ce département (de ce pays serais-je même tenté de dire tant ses diversités culturelles et naturelles sont grandes!). Sa forêt est majestueuse et ses fleuves envoûtants!

Le respect s’impose.

Le fait même d’y vivre l’espace de quelques semaines ou quelques mois est un remerciement à lui seul.


Photo prise en juillet 2004 lors de la descente du fleuve Approuague en allant vers Régina. D’après l’explication des amérindiens m’accompagnant, la pirogue de mer transporte un moteur volé. Les amérindiens de Régina se plaignent de l’insécurité et des vols réguliers de pirogues et moteurs (quelque fois même les vols toucheraient le camp de la légion au dessus de Régina).

Lorsque je parle d’amour pour la Guyane, c’est parce que je souffre de la voir dans son état actuel, comme on peut souffrir de voir, impuissant, décliner jour après jour un être qui vous est cher. 

Qu’est devenu ce havre de paix, ce jardin d’Eden, que sont devenus mes souvenirs, mes rêves?

Le paradis sera il bientôt un enfer?

J’avais promis à mes enfants de les y emmener (je leur ai fort probablement suscité l’envie par mes récits lors de mes retours en métropole). Maintenant qu’ils sont plus grands (12 et 15 ans) et capables d’apprécier et de juger, j’ai honoré ma promesse en ce mois de Juillet 2004 en leur préparant un panel représentatif de la Guyane et de ses cultures (Les Hattes, Cayenne, St Laurent, les bagnes, Kourou, Cacao, St Georges, l’Approuague, Saül...).

Des conclusions tout à fait personnelles m’ont conduit à écarter les escapades sur le Maroni au profit de l’Approuague, fleuve au cœur de la Guyane, resté longtemps très sauvage et moins fréquenté que le Maroni.

Le changement est radical en quelques années. Nous avons remonté l’Approuague jusqu’à saut Grand Machicou soit six heures de pirogue. Nous avons côtoyé des dizaines de pirogues de mer chargées quelques fois de plusieurs tonnes de denrées ou de bidons de carburant de 200 litres.

Les ravitaillements se font directement d’Oyapoqué en face de Saint-Georges, les pirogues passent par la mer puis remontent l’Approuague sans aucun filtrage (au niveau de Régina par exemple). C’est un ballet incessant. Environ 50% de ces pirogues ravitaillent la crique Ipoussin qu’on ne peut pas manquer tant l’eau est sombre, son opacité est comparable à celle d’une peinture acrylique plusieurs kilomètres avant son raccordement à l’Approuague.

Quelle honte, quel scandale!

Je pleure pour la Guyane, pour les habitants du fleuve qui ont tant à nous apprendre, pour sa faune, pour sa flore. 

Guyane, Je te vois souffrir.

J’ai dénombré pas moins de 8 barges suceuses entre Régina et Grand Machicou, certaines oeuvrant deux par deux. Lors du passage de certains sauts, il est fréquent de slalomer entre les barges et les plongeurs que seules les bulles d’air éclatant à la surface permettent de repérer.

Les plongeurs y travaillent de 5 heures du matin à environ 1h30 du matin le lendemain par périodes de 3 heures suivies d’un quart d’heure de repos !

Mi-juillet, deux barges parfaitement fonctionnelles orpaillaient en toute impunité en bas de saut Grand Machicou, au niveau du carbet de passage et une juste au-dessus au bout du layon de contournement du saut. Dans cette zone, les Brésiliens vivent par dizaines.

Mes accompagnateurs amérindiens m’ont rapporté que la situation était pire à Grand Kanori et que les choses se dégradaient encore plus en amont à tel point qu’ils rechignent à s’y aventurer.

Outre les pollutions liées à l’exploitation, les alentours sont souillés de congélateurs abandonnés, de polystyrène, de plastics divers, de bouteilles de rhum, de soda, de bidons d’huile Texaco pour moteurs, de fûts d’essence abandonnés, de divers engrenages et pièces mécaniques usagées. Les berges de la Seine en aval de Paris n’ont plus à rougir

Les berges de la Seine en aval de Paris n’ont plus à rougir.Les carbets sont pillés et démantelés. Tout ce qui peut servir est systématiquement volé y compris tôles de couverture et planches de carbets. Le carbet de passage à Grand Machicou est devenu une vraie décharge publique en quelques jours, après le passage d’un groupe de brésiliens.

Tout ceci est révoltant.
Le sentiment de dégoût face à ces actes méprisables finit par prendre l’avantage sur le sentiment de liberté et de quiétude sur le fleuve.

Comment un pays comme la France, qui sanctionne d’amende un taux de CO2 un peu trop élevé mesuré en sortie d’échappement de nos véhicules, peut-il supporter un tel laxisme, un tel désastre écologique, de telles conditions d’hygiène et de travail ?

Fort de ce constat, est-il excessif de parler d’invasion d’un pays limitrophe ?

Plutôt que de s’attaquer aux orpailleurs clandestins, partie émergente du pillage des ressources françaises et de cette économie parallèle polluante, ne faut-il pas plutôt traiter ce problème d’Etat à Etat ?

N’est-ce pas avant tout de la responsabilité de l’état brésilien ?

Il est vrai que la majorité de nos politiques n’ont pas pris la mesure du désastre, alors comment pourraient-ils convaincre ?

Combien ont abandonné leur costume 3 pièces et leur vie aseptisée l’espace de quelques jours pour vivre la Guyane, la Vraie, celle du fleuve et de la forêt..... La GUYANE, ce département devenu brésilien..... grand comme le tiers du territoire français.

Votre article, Monsieur Forget, est un message d’espoir, le seul qu’il nous reste, celui d’espérer être entendu avant qu’il ne soit trop tard.


Alain Mathey,
septembre 2004
carbetsaul@cegetel.net


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