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Un moment important de la vie démocratique
par blada

L'enquête publique est « un moment important de la vie démocratique », peut-on lire sur le site de la Mairie de Paris, qui ajoute « L'enquête publique est ouverte à tous, sans aucune distinction ».

Ouverte à tous, sans aucune distinction, c'est bien le cas de l'enquête publique ICPE du projet minier CBJ-Caïman, enfin théoriquement, mais accessible à tous, c'est une autre histoire...

Simon Pierre Modestin, ce troisième commissaire enquêteur par qui le scandale n'arrive même pas - puisque sa protestation semble être tombée dans l'oubli après deux articles dans France Guyane (France Guyane des 30 mai et 1er juin 2007. L'édition du 1er juin faisait notamment état d'une plainte contre X déposée par Simon Pierre Modestin qui s'estimait "diffamé par le rapport rendu par ses collègues") - en fait la triste démonstration dans son rapport avec « avis défavorable » : Non seulement l'enquête publique ICPE du projet minier CBJ-Caïman n'a pas été un moment important de la vie démocratique en Guyane, mais bien au contraire elle illustre la lourdeur des diverses pratiques qui permettent de maintenir la chape de plomb sur notre département, malgré une mobilisation citoyenne sans précédent.

Que ce soit sur la présentation générale des dossiers, sur les pollutions chimiques, les retombées économiques et les emplois, les conditions de travail, rien ne semble avoir été fait pour que le grand public puisse s'emparer du dossier et en débattre. Un public qui a pourtant mis beaucoup de bonne volonté pour faire valoir ses droits puisqu'il y a eu, note l'enquêteur Modestin, « dix fois plus d'interventions que lors de la première enquête publique ».

Simon Pierre Modestin s'en explique :

« Un travail plus important sur la clarté et la rigueur scientifique était attendu, notamment pour un deuxième dossier, qui avait déjà fait l'objet d'un avis défavorable par les services de l'Etat.
Dans la forme du dossier, le lecteur se trouve souvent face à de multiples renvois qui ne facilitent pas la compréhension.
Il a été signalé à plusieurs reprises l'incomplétude du résumé non technique, qui aurait dû être la pièce "guide" pour le public. Ceci est d'autant plus regrettable que l'entreprise a souhaité faire de l'emploi l'un des éléments clés de son projet. »

et encore :

« La présence trop assidue de la part du pétitionnaire
[CBJ Caïman] a eu pour conséquence que les personnes voulant consigner leurs observations ont dû souvent attendre jusqu'à ce que celui-ci finisse de relever toutes les remarques inscrites dans les registres. »

« Je déplore la transmission au pétitionnaire des courriers internes à la commission qui faisaient partie de la consultation en interne, tel que le voudrait le devoir de réserve qui s'impose aux membres de la commission. »

Sur la partie emploi, justement, qui sert de leit-motiv aux défenseurs du projet, les observations de Simon Pierre Modestin sont édifiantes :

« On souligne l'effet d'entrainement pour l'économie guyanaise par la demande en main d'oeuvre et travaux que va représenter l'implantation de l'usine et l'embauche d'un certain nombre de salariés, ce qui serait bénéfique à la Guyane.
Cependant certaines observations mettent en avant des statistiques de sorte à remettre en question la réelle incidence des créations d'emplois sur la situation globale de chômage qui touche de plein fouet la Guyane. Ainsi il est rapporté que "le nombre de demandeurs d'emploi est de 18400 selon l'INSEE en juin 2006 et le nombre de chômeurs de 11400 selon l'ANPE en mars 2007. Le nombre d'emplois prévus en Guyane (par le projet minier) est de 289. Il ne permettrait pas de résorber ce chômage à plus de 1,57 %, à la condition que tous ces emplois soient confiés à des personnes actuellement au chômage... Toujours selon la même source, 56,4 % de ces chômeurs sont des femmes de 15 à 24 ans (...)."»

Sur les conditions de travail dans la mine, on peut noter ceci dans le rapport de l'enquêteur :

« Le descriptif des conditions de travail fait état d'une activité de 24 heures sur 24 avec un roulement du personnel au système 3/8, ce type de travail est reconnu pour être particulièrement épuisant puisqu'il oblige l'employé à modifier sans cesse ses habitudes (sommeil, alimentation, vie familiale, autres). On fait remarquer que ce modèle de travail n'a pas jusqu'à présent été appliqué en Guyane. Il semblait donc souhaitable de faire un descriptif de ces conditions de travail dans le rapport non technique, qui est souvent celui auquel se réfère le plus le public.
La particularité de l'implantation du site de l'entreprise aurait dû aussi être développée, car il faudra aux employés depuis Cayenne environ deux heures pour se rendre et deux heures pour revenir de leur travail, soit une amplitude de la journée supérieure à douze heures. »

Sur les retombées économiques :

« Bien que CBJ Caïman ait procédé à l'élaboration d'une étude sur les retombées socio-économiques, elle n'a été intégrée qu'au titre des observations lors de l'enquête publique. Il s'agit à nouveau d'une pièce importante du dossier du pétitionnaire [CBJ Caïman], il est regrettable qu'elle n'ait pas fait partie intégrante du corps des dossiers de demande d'exploitation, permettant ainsi au public de donner son opinion à partir de données concrètes.
En effet cette étude du cabinet CFC m'a été remise en mairie de Roura dans une enveloppe à l'entête de la société CBJ le 15 mars 2007. »

Même si la Guyane est bien pauvre en médias, et que notre média national RFO - où l'auto-censure est érigée en système - se trouve régulièrement en état de carence en matière d'information, on peut quand même s'étonner que les trois rapports des commissaires enquêteurs livrés depuis plusieurs semaines en préfecture aient eu aussi peu d'écho. Pourtant contradictoires, ils n'ont été ni débattus ni commentés, faute peut-être d'avoir été communiqués, et faute sans aucun doute de volonté manifeste de la part de nos dirigeants - élus et représentants de l'Etat confondus - de faire fonctionner la démocratie, avec ses contrepouvoirs et ses instances de débat. Mais plus le peuple sera ignorant, plus les fauteuils d'orchestre seront confortables... Alors, comment exercer son sens critique de citoyen responsable dans cette situation ? A moins que ce ne soit pas le but d'une enquête publique en Guyane ?

Depuis plus de dix ans que ce projet est connu, nos élus passifs et sans horizon ont attendu le dernier moment pour dire non ; certains même, après plusieurs retournements de veste, ont fini par dire oui. Et maintenant que les habitants, associations, acteurs économiques ou simples citoyens peuvent donner leur avis, après s'être fortement mobilisés, on voudrait les déposséder du savoir récolté par des experts mandatés dans l'intérêt général ? 34 tonnes d'or en 7 ans pour CBJ Caïman, des tonnes de cyanures déversées sur la Guyane, et un site exceptionnel que le monde entier pourrait nous envier à jamais détruit. Et la Guyane dans tout ça ? L'enquête publique, c'était juste pour faire semblant ?

Pendant ce temps, le projet suit son chemin dans l'ignorance et l'opacité organisées et il devrait être présenté le 15 juin à la CODERST (Commission Départementale de l'Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques)*.

En attendant que les rapports complets des trois commissaires de l'enquête publique ICPE du projet minier CBJ-Caïman fassent l'objet d'une information en bonne et due forme, en attendant que la démocratie prenne ses droits en Guyane, nous publions ici, en pdf, les « Conclusions et avis motivé du commissaire enquêteur Simon Pierre Modestin, fait à Sinnamary, le 10 mai 2007 ».

Blada, 9 juin 2007.

__________________________

* Le 15 juin, le Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) a donné un avis favorable.

Voir aussi :

- Sur le site de Actualités News Environnement, le 9 mai 2007 : « Un recours a été déposé par la fédération France Nature Environnement (FNE) contre l’arrêté du 5 mai 2006, par lequel le Préfet de la région Guyane a autorisé la filiale de la société Cambior-Iamgold, à réaliser une piste pour accéder à sa concession minière de Camp Caïman.» Lire la suite.


- Jodla du 25 mai 2007 : Un avant-goût de cyanure à Kaw.

 


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