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Jodla 06/01/12
Derrière la guerre du SDOM, un seul enjeu :
la préservation d'un patrimoine encore trop mal connu

18 000 nouvelles espèces ont été découvertes en 2011, annonçait TF1 en ouverture de son JT le 3 janvier, en écho à un article du Monde de la veille. Mais les chercheurs savent bien qu'on ne trouve que si l'on cherche, et que la connaissance a besoin de temps et de moyens. Jusqu'ici le territoire de la Guyane n'a été que très partiellement exploré par les systématiciens, et l'on sait encore peu de choses de ce trésor inestimable que les orpailleurs voudraient investir sans aucune limite, avant même de savoir ce qu'il contient réellement, au risque de tout détruire pour de sordides lingots qui ne profitent qu'à quelques uns. Les découvertes issues des récentes études menées en Guyane sur la canopée (MNHN) et aux Nouragues (Cafotrop) n'aboutiront à une description formelle dans la littérature scientifique que bien des années plus tard. Tel est le cas d'une nouvelle espèce d'arbre découverte en 78-79 dans la forêt de l'Arataye, et décrite en 1997 : le yayamadou de montagne, ou Virola kwatae Sabatier (Myristicaceae) de Guyane, arbre emblématique de la montagne de Kaw dont les fruits sont dispersés par les atèles et les toucans, et qui a bien résisté à la pression du lobby minier (rapport Cambior, p 15).

Illustration : un rescapé de la montagne de Kaw (photo PM Forget).

Si l'on suit la logique du président de la Fédération des opérateurs miniers de Guyane, Gauthier Horth, qui déclarait lundi avec une rare élégance (JT Guyane1 du 2 janvier) que les orpailleurs ne se laisseraient pas SDOMiser sans protester, il faudrait leur abandonner des territoires que l'on sait extrêmement riches en biodiversité sous le seul prétexte que le hasard les a fait naître sous le ciel de Guyane. Ce serait faire bien peu de cas du sort de l'humanité pour l'enrichissement de quelques uns.

Contre l'avis général, le Schéma d'orientation minière de la Guyane (SDOM) est donc entré en vigueur le 1er janvier 2012 (décrets 1 et 2 parus au JO du 31.12.2011). Depuis sa présentation à la presse lundi (Guyaweb du 3 janvier), l'affaire fait grand bruit. Outre le fait que ce Schéma est le fruit d'un long et difficile accouchement opéré par le préfet Mansillon, spécialement missionné à Cayenne pour mener les concertations, il pose de nombreuses problématiques de fond, bien éloignées des bouffées d'urticaire du président de la Fedomg. Et l'on risque de s'attarder sur l'anecdote qui a fait réagir le préfet (dépêche AFP du 4 janvier) et le président de Région (Guyaweb du 5 janvier) suite à l'expression de la « misère intellectuelle » de Gauthier Horth. L'exemple récent du « sale mec » (Le Nouvel Obs) nous a montré comment on pouvait occuper longuement le terrain pour ne rien dire.

Réactions des défenseurs de l'environnement

Les associations environnementales comme Guyane Nature Environnement ou Maïouri Nature (communiqué du 10/01) se sont déclarées satisfaites, faute de mieux, de ce schéma minier qui protège en théorie tout le sud des appétits féroces des miniers. Mais Guyane Nature Environnement n'a pas caché son inquiétude sur le manque de personnels au sein de l'administration locale chargée de la mise en oeuvre de ce schéma (déclaration à l'AFP, 5 janvier).
Le WWF, de son côté, y voit « une véritable avancée technique » qui « reflète un nécessaire compromis entre les attentes souvent contradictoires des parties prenantes (opérateurs miniers, syndicats, acteurs de l’environnement, collectivités locales, services de l’Etat), et doit à ce titre être salué ».
Pour José Gaillou, le SDOM « ouvre un zonage immense à la filière de l'orpaillage (20 fois le SAR actuel, version 2008) et l'Etat n'aura pas les moyens de contrôler la mise en application et le respect, par les professionnels, de ce schéma.»

Le SDOM ou le SAR ?

Il n'en reste pas moins que ce SDOM est un véritable pied de nez à la décentralisation, censée donner plus de pouvoir aux collectivités, et qu'il est issu de concertations qui ont toutes été menées dans la ville-capitale, Cayenne, c'est-à-dire très loin des populations directement concernées par les problèmes de l'orpaillage. Consulté sur le Sdom, le Conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge avait émis en janvier de l'année dernière un avis défavorable argumenté, considérant que la consultation ne respectait pas « le droit à la consultation préalable et éclairée des populations concernées » et que le zonage présenté était « une émanation du conservationnisme pur et du secteur spéculatif minier ».

Le lobby de l'orpaillage veille et implique que l'on résiste à ce schéma bien trop restrictif à ses yeux, d'autant que l'aménagement du territoire relève directement des compétences de la Région où l'on a placé ses pions. Le Conseil régional avait d'ailleurs demandé une habilitation sur la filière minière. La réaction de Rodolphe Alexandre ne s'est donc pas fait attendre. Dès le 5 janvier, il déclarait que « la Collectivité régionale intentera prochainement un recours afin de faire prévaloir les revendications et les intérêts des Guyanais, et empêcher que le SDOM ne soit maintenu en l’état actuel des choses ». La Région Guyane se trouve désormais un peu empêtrée dans les schémas... Le Schéma d'Aménagement Régional (SAR), souvent considéré comme obsolète, pourra en effet difficilement s'opposer au SDOM, faute d'avoir fait l'objet de toute l'attention que méritait ce document fondamental. Le SDOM y fait d'ailleurs référence en ces termes (p.45 du SDOM) :

« La loi du 13 décembre 2000 donne compétence au Conseil régional pour adopter un schéma d’aménagement régional qui fixe les orientations générales à moyen terme en matière de développement durable, de mise en valeur du territoire et de protection de l’environnement….  Le SAR, adopté le 12 décembre 2000, a été approuvé par décret en Conseil d’État le 2 mai 2002 ; mais, dès ce moment, il apparaissait « quelque peu décalé » (introduction du SAR 2007) par rapport aux enjeux et il a été mis en révision en 2004. Un nouveau projet de SAR a été adopté en octobre 2007 par le Conseil régional, mais n’a pas encore été approuvé. »

Fin connaisseur du dossier, José Gaillou que nous avons consulté sur ce point assure que même s'il est dit que le SDOM ne définit pas son niveau hiérarchique, les documents d'urbanisme (SAR, SCOT, PLU, SDAGE... ) doivent être rendus compatibles avec le SDOM. Pour José Gaillou, qui a longtemps été en charge des questions d'environnement à la Région avant de passer dans l'opposition, « le SDOM (sans parler d'environnement) est dangereux et remet en cause les lois de décentralisation. A travers ses différentes positions, l'Etat recentralise tous les pouvoirs en matière d'aménagement, de santé, d'énergie, de recherche et d'environnement....  Dans les textes, c'est le SAR qui fixe les orientations fondamentales à moyen terme en matière : de développement durable, de mise en valeur du territoire et de protection de l'environnement. Le pouvoir et la dimension politique de ce document est capital mais malheureusement les élus n'en sont pas conscients. C'est là la clé du rapport de force avec l'Etat. L'aménagement du territoire est une compétence partagée mais l'élaboration (orientation, planification) du SAR est de la compétence de la collectivité Régionale, l'Etat devient seulement partenaire. Le SDOM et la charte du PAG [Parc amazonien de Guyane](1), s'imposant au SAR, deviennent les documents de référence en matière d'orientation et de planification en Guyane. Exit la décentralisation, sans faire de bruit.»

Les graines du yayamadou de montagne ne demandent qu'à germer, y compris dans les coeurs et dans les esprits.

« A l'heure où les forêts tropicales humides d'Afrique, d'Amérique et d'Indonésie sont gravement menacées, les biologistes continuent à découvrir de nouvelles espèces d'arbres, qui quelquefois ne doivent leur survie qu'à la présence d'un seul animal. Explications de Pierre-Michel Forget, maître de conférences au Museum national d'Histoire naturelle.» : Une émission d'aujourd'hui à écouter sur le site de France Info : Un arbre survit grâce à un rat géant.


1. Après la publication de cet article, le 12 janvier, le Parc Amazonien de Guyane a réagi aux propos de José Gaillou et a souhaité apporter la rectification qui suit. Selon le PAG, « la charte, en tant que projet des territoires des communes concernées par le Parc amazonien de Guyane, s’inscrit dans un cadre plus large relevant du territoire de la Guyane et doit être cohérente avec tous les documents de planification existants. En premier lieu, la charte doit respecter les axes du Schéma d’Aménagement Régional (SAR), la charte doit être compatible avec le SAR (art.331-15-II du code de l’environnement). Le Schéma d’Aménagement Régional s'impose donc à la charte du PAG et non le contraire comme le laisse entendre l'article publié sur blada.com le 06/01/12 ».


  • Une carte : impacts environnementaux liés à l'exploitation aurifère dans la région des Guyanes : Document WWF sur le site d'Une saison en Guyane.
  • Le bilan patrimonial de l'impact de l'activité aurifère en Guyane, de 2006 (on attend la mise à jour ! en 2006 l'or était à 500 $/oz, il est maintenant à 1617 $/oz), sur le site de l'ONF.
  • L'Oscar de la honte 2009 et 2011 a été décernéé à l'industrie minière : Hall de la Honte.
     

 

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