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Jodla 07/11/07
A l'écoute d'une victime des violences ordinaires de l'orpaillage clandestin

Une interview sensible d'Isaïas Souza Santos à l'issue du procès de ses tortionnaires, réalisée par Frédéric Farine le 6 novembre 2007.

Isaïas Souza Santos :
« Si on les amenait devant moi, je dirais que je leur pardonne »

Moins d’un mètre 60, trapu, la voix douce, l’homme marche avec quelques difficultés. Isaïas Souza Santos, enlevé, battu, abandonné ligoté à un arbre avec trois balles dans les membres inférieurs dans la forêt surinamaise, par un groupe d’orpailleurs bonis de Maripasoula, le 25 janvier 2001 a répondu aux questions de Frédéric Farine, mardi soir à Cayenne.

Frédéric Farine : Qu’avez-vous ressenti lorsque la condamnation de vos agresseurs a été prononcée par la cour d’assises ?

Isaïas Souza Santos : J’ai eu une sensation de victoire et depuis j’ai une sensation de peur. Je me sens quelque peu préoccupé. Parce qu’avec une telle condamnation (perpétuité pour Soupé Poïté, 10 ans pour Armand Moussa, ndlr), je redoute d’être à nouveau en danger.

Sur la photo de Soupé Poïté que l’on vous a montré au tribunal avez-vous bien reconnu celui qui vous a tiré dessus ? Comment pouvez-vous en être sûr ?

Dès que j’ai vu la photo couleur, je l’ai reconnu tout de suite. Parce que son visage était ancré dans ma mémoire. Surtout ce visage bien rond, je suis certain que c’était lui.

Cette histoire a-t-elle changé votre vie ?


J’avais une autre ligne de vie et cette histoire l’a radicalement changée. Depuis ce terrible événement, c’est plus précisément ma vie spirituelle qui a changé car j’ai vécu un miracle. Maintenant, je crois qu’il existe un Dieu tout puissant. C’est à Dieu que je dois d’être en vie aujourd’hui.

On entend souvent parler de Brésiliens battus, torturés, à Maripasoula, de la fin des années 90 au début des années 2000. Comment expliquez-vous qu’assez peu finalement aient porté plainte ?

J’ai entendu parler d’actes de barbarie, de gens enterrés dans le jardin de la grande propriété d’un patron orpailleur Boni et de gens empalés. Beaucoup n’ont pas porté plainte. En premier lieu à cause de la peur. Egalement parce que certains sont repartis au Brésil où ils essaient d’oublier l’enfer qu’ils ont pu vivre. D’autres encore sont tout simplement morts. Enfin, il y a ceux qui n’ont pas eu la possibilité de trouver un soutien, comme un avocat qui aurait pu les aider à aller en justice. Moi, j’ai eu ce soutien. C’était déjà un miracle que je sois resté vivant. Et Dieu m’a donné la force d’aller jusqu’au bout. Portés par ce courage que j’ai eu de porter plainte, j’ai connu deux ou trois Brésiliens qui, à leur tour, ont porté plainte après moi.

Comment expliquez-vous qu’en dépit des violences subies par les Brésiliens, à l’époque, à Maripasoula, il y avait toujours des Brésiliens pour retourner travailler là-bas, sur les sites d’orpaillage ?

Ce sont des gens qui sont dans le besoin. Ils connaissent le risque mais ils y vont quand même car ils n’ont pas trop le choix. Soit tu en sors avec un peu d’argent, soit tu en sors sans vie. C’est le risque.

Lorsque je vous avais interviewé sur votre lit d’hôpital à Cayenne le 1er février 2001, vous aviez dit que plus jamais vous ne travailleriez sur un site d’orpaillage. Avez-vous tenu parole et que faites-vous comme métier aujourd’hui ?

J’ai tenu ma promesse de ne plus travailler dans l’orpaillage. Et pourtant, j’ai travaillé sur une cinquantaine de sites miniers au Brésil notamment à Itaituba, dans le Roraima, dans l’Etat d’Amazonas. Les violences étaient similaires à ce qu’il se passe en Guyane. Je ne retournerai plus sur un site d’orpaillage, tout d’abord parce que j’ai peur. Et même si j’en avais la possibilité, mes capacités physiques ne le permettraient plus. Mon fémur gauche qui a été fracturé par une balle est très dur. J’ai perdu deux centimètres à la jambe gauche. J’ai un déséquilibre au niveau du bassin et des difficultés à bien inspirer. Je fais donc un travail léger, je travaille dans un bureau de change.

Quel sont vos sentiments aujourd’hui vis à vis des gens qui vous ont fait ça ?

Je ne ressens pas de haine. La justice a fait son devoir. Ce que j’espère aujourd’hui, c’est être indemnisé par rapport à toutes ces souffrances. Si on m’amenait ces gens devant moi en me disant : « que vas-tu faire avec eux ? » Je dirais : je leur pardonne.

Interview réalisée par Frédéric Farine le 6 novembre 2007.

Voir aussi :
Récit du procès par Patrick Monier.
- sur le site de RFI.fr :
Une zone de non-droit entre deux rives, par Frédéric Farine, un article du 10 novembre 2006 (suite au premier procès).
- dépêche AFP du 6 novembre 2007 parue sur le site de ool.fr
(rubrique info / actualités / outremer):  "Deux patrons orpailleurs guyanais condamnés à 10 ans ferme et à perpétuité".

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