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Jodla 16/04/10
Les infos de FF
Photo en « Une » d’un avocat menotté : condamnation
du directeur de publication de France-Guyane confirmée en appel

La juridiction d’appel détachée à Cayenne vient de rappeler que la presse a des droits mais aussi des devoirs. Elle a confirmé, dans un arrêt daté de mercredi 14 avril, la décision du tribunal de 1ère instance de Cayenne du 10 septembre 2009, en condamnant le directeur de publication de France-Guyane pour des faits réprimés par l’article 35-ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cet article de loi, qui vise à protéger la présomption d’innocence, réprime notamment la « diffusion sans l’accord » de l’intéressé « de l’image d’une personne identifiée ou identifiable, mise en cause à l’occasion d’une procédure pénale mais n’ayant pas fait l’objet d’un jugement de condamnation et faisant apparaître (…) que cette personne porte des menottes ou entraves ». Les jurisprudences sont répétées à ce sujet et d'importants organes de presse français en ont déjà fait les frais : Paris-Match, Le Parisien, Le JDD, entre autres, ont déjà été condamnés pour ce type de dérive.

La CNDS critique sur
les conditions de la garde à vue


Toujours dans cette affaire de l’échauffourée de Mont-Lucas, la Commission nationale de la déontologie de la sécurité (CNDS), saisie fin 2008 par le sénateur Georges Patient et la députée Christiane Taubira, a rendu, fin 2009, un avis sur les conditions de la garde à vue de maître Jérôme Gay. La CNDS a estimé que la « fouille dite de sécurité » qui avait été imposée à l’avocat par la police de Cayenne n’était justifiée par « aucun élément ». La Commission ajoutant qu « obliger une personne à se déshabiller, même partiellement, devant des tiers, sans motif particulier et dans un lieu non clos (un couloir) » est « humiliant et attentatoire à sa dignité ». La CNDS a, par ailleurs, « souhaité rappeler » que « le menottage (…) ne doit être utilisé que lorsque l’individu est considéré comme dangereux (…) ou susceptible de fuir ». Enfin, pour la CNDS, le fait que l’avocat, au cours de sa garde à vue, ait, selon le rapport de police fourni à la procédure, « répondu » à un appel sur son portable, « passé 20 minutes aux toilettes » ou « (manifesté) sa faconde habituelle », tout cela ne constitue pas des « critères d’appréciation sur le bien-fondé de l’usage des menottes ».

Sur la photo qui monopolisait quasiment la Une de France-Guyane des samedi 2 et dimanche 3 août 2008, on pouvait lire ce grand titre : « Un avocat en garde à vue ». Sur la photo publiée, deux fois épinglée par la justice, Jérôme Gay y est debout, de trois-quarts dos, les mains jointes derrière le dos. Il est entouré de deux policiers en civil avec arme de poing apparente à la ceinture. Face à lui, le vice-procureur Biache et le bâtonnier Lingibé. La photo est floutée au niveau des mains de l’avocat qu’un des policiers manipule. Mais flouter une photo ne suffit pas pour échapper aux foudres de la justice dans ce genre de dossier qui touche à la dignité humaine. Le TGI de Paris a par exemple indiqué dans deux décisions similaires prises en 2006 et 2007 et citées par dans La Semaine Guyanaise n° 1333 que : « L’article 35-ter (…) est applicable que l’objet lui-même que constituent les menottes soit ou non visible sur l’image dès lors que celle-ci fait clairement apparaître que la personne est menottée ». La Chambre détachée de la Cour d’appel de Fort de France à Cayenne a donc, sans surprise, confirmé, dans son arrêt , la condamnation de Frédéric Aurand, directeur de publication du quotidien France-Guyane au moment des faits, pour avoir diffusé en « Une », dans l’édition du samedi 2 et dimanche 3 août 2008, la photo de maître Jérôme Gay, l’avocat de Guyane originaire de Marseille, faisant apparaître qu’il portait des menottes au cours d’une garde à vue. Le quotidien est condamné à payer plus de 38 500 euros.

La Cour a estimé, dans son arrêt du 14 avril, que « Jérôme Gay a été aisément identifié sur la photographie » ainsi que le démontrent « 39 attestations produites ». La photo de Une « au titre accrocheur ("Un avocat en garde à vue") », soulignent les juges, « renvoyant en page intérieure à un article détaillé où le nom de l’intéressé apparaît à plusieurs reprises ». La Cour ajoute : « En tout état de cause, la position des deux bras dans le dos de la personne photographiée ne permet pas d’équivoque sur le fait qu’elle est porteuse de menottes ». Les juges soulignant encore que, dans ses conclusions en défense, le directeur de publication de France-Guyane a reconnu que la photo de l’avocat publiée avait été prise « au moment où il arrive menotté, au pied de son cabinet ».

Les juges ont rappelé que « le principe de la présomption d’innocence » d’une personne « est forcément violé par la publication d’un cliché la montrant menottée, lequel infère, aux yeux du public, sa culpabilité et porte (…) atteinte à sa dignité humaine. »

Maître Gay avait été placé en garde à vue le 1er août 2008 (et son cabinet perquisitionné) parce qu’il détenait la vidéo d’une échauffourée, s’étant déroulée trois jours plus tôt, entre des habitants du quartier de Mont-Lucas à Cayenne et des policiers. Deux de ses clients d’alors étaient soupçonnés de violences sur policiers. La photo publiée avait été prise ce même 1er août 2008, à son arrivée, menotté, à son cabinet, au moment où un policier était sur le point de lui retirer les menottes à la demande du bâtonnier de l’époque maître Lingibé, visible sur la photo en cause. « L’original du journal versé à la procédure laisse clairement entrevoir le port de menottes par cette personne (Jérôme Gay, ndlr), menottes que justement un des policiers l’entourant tente de lui enlever » note encore la Cour.

« Le choix du cliché publié laisse perplexe… »

Dans son mémoire en défense, le directeur de publication de France Guyane au moment des faits, représenté par deux avocats, maître Michaël Beulque, du barreau de Guyane et maître Olivier Chapuis, du barreau de Paris, avait notamment argué que : « la rédaction de France-Guyane (…) a néanmoins pris soin de sélectionner, parmi tous les clichés disponibles, la photographie sur laquelle on distingue le moins possible le visage et la silhouette de Monsieur Gay (ainsi que le démontrent tous les clichés versés aux débats), et sur laquelle les menottes ne sont pas visibles ».

Un argument, entre autres, qui n’a pas convaincu les juges : « les explications du prévenu manquent de pertinence et sa bonne foi ne peut-être retenue » a estimé la Cour.

S’agissant du choix de la photo publiée en Une, la Cour a en effet soulevé que « si réellement le but recherché par l’organe de presse était comme indiqué (…) d’informer les lecteurs sur le déroulement de l’affaire de Mont-Lucas, le choix du cliché publié laisse perplexe, car la preuve n’est pas faite que le but recherché n’aurait pas été atteint avec la publication du cliché faisant apparaître M. Jérôme Gay non menotté, cliché produit en cause d’appel par le prévenu ».

Autrement dit, en appel, France-Guyane a fourni au moins une autre photo de Jérôme Gay, non menotté cette fois et prise le jour de sa garde à vue.

France-Guyane condamné à publier la décision en « Une »

La Cour a « reconduit » l’amende de 10 000 euros à l’encontre du directeur de publication de France Guyane, décidée le 10 septembre dernier en première instance à Cayenne, au vu de la « gravité des faits » et de « l’atteinte » portée à la profession d’avocat (sans compter 120 euros conformément à la loi en matière d’action publique). La Cour a aussi confirmé que Frédéric Aurand devra verser à maître Jérôme Gay, 22 500 euros pour le préjudice subi. Enfin, les juges ont ajouté 2 500 euros de frais de procédure aux 3 500 euros à verser à l’avocat selon la décision de 1ère instance.

La Cour n’a en revanche pas suivi maître Gay dans sa demande de la coquette somme de « 250 000 euros » en réparation du préjudice subi, l’intéressé ayant fourni en appel une attestation de son expert-comptable faisant état d’une nette baisse, entre 2008 et 2009 à la fois de son chiffre d’affaires (47%) et de son bénéfice non commercial. « Pour autant, il n’est versé aucun élément permettant d’imputer cette baisse » aux faits dont M. Aurand « a été reconnu coupable » a estimé la Cour.

Le tribunal de première instance n’avait pas jugé nécessaire d’ordonner la publication de la décision dans un organe de presse. La Cour d’appel a, pour sa part, donné un mois à France-Guyane «  à compter du prononcé de l’arrêt (du 14 avril, ndlr) pour publier dans un numéro du samedi-dimanche (…) en gros caractère en première page au dessous du titre du journal » un « communiqué judiciaire », rédigé par la Cour, résumant sa décision de condamnation.

FF
 

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