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Jodla 23/05/10
Les histoires de FF
Le feuilleton « Saint-Elie » : contre-enquête

Les dénégations du maire : Coup de théâtre ou grosse ficelle ?
Le 17 mai dernier, au matin du premier jour du procès des « commerçants de Saint-Elie and co », blada.com révélait (Le feuilleton de « Saint-Elie » : épisode 3) que, selon le dossier d’instruction, le maire de la commune, Charles Ringuet, avait mis en cause « par courrier » trois personnes poursuivies dans cette affaire. Coup de théâtre, vers midi, au second jour du procès. Le maire, présent dans la salle d’audience est invité à la barre. Il affirme ne jamais avoir transmis ces informations. Une histoire dans l’histoire qui ne clôt pas le dossier…

Ce que nous révélions, le 17 mai au matin est exact. Il figure bien au dossier d’instruction de l’affaire des commerçants de Saint-Elie un document où, selon un enquêteur, Charles Ringuet, le maire de Saint-Elie, met en cause trois des commerçants poursuivis dans cette affaire. Le premier jour de procès l’avait souligné.

Or coup de théâtre mardi 18 mai en fin de matinée, au second jour du procès. Maître Jean-Yves Marcault-Derouard, défenseur de pas moins de 5 personnes dans ce dossier (les 4 membres de la famille Monteiro Monteiro et une autre commerçante, Carmita Moraes Cavalcante dite « Carmen ») signale au président du tribunal Eric Fournié :
« Il y a monsieur le maire de Saint-Elie qui est dans la salle… ».
L’élu, pourtant pas cité comme témoin, est invité à se présenter à la barre. Car, la veille, le représentant du ministère public, David Percheron, a commencé à marteler de questions certains commerçants, notamment sur les mises en cause, émanant du maire, selon le dossier d’instruction.
« Vous n’étiez pas là hier ? » interroge le président.
« Non » répond Charles Ringuet.
Maître Marcault-Derouard souligne alors devant le tribunal :
« il y a des passages (parmi les allégations imputées au maire dans le dossier d’instruction, ndlr) qui mettent en cause des personnes que j’assiste ».

Après une rapide présentation du maire qui déclare au président du tribunal « j’habite Saint-Elie » (ce qui fera sourire les initiés et bien d’autres puisqu’il travaille à l’hôpital de Cayenne), l’avocat cite à l’audience deux extraits de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction devant le tribunal correctionnel qui soutiennent que l’élu met en cause deux commerçantes qu’il défend. Le premier extrait de l'ordonnance indique, selon l’avocat, que « courant février 2008, le maire de la commune de Saint-Elie, Charles Ringuet informait les enquêteurs que Edina Monteiro Monteiro possédait deux 4x4, des quads et un gros canot à moteur, qu’elle utilisait pour alimenter ses sites d’orpaillage. Elle louait des maisons à ses ouvriers et commerçait avec des garimpeiros ». L’avocat indique ensuite qu’un autre extrait de l'ordonnance soutient que : « courant février 2008, le maire de la commune de Saint-Elie, Charles Ringuet, informait les enquêteurs que Carmita Moraes Cavalcante possédait deux 4x4, des quads, qu’elle utilisait dans les trafics liés à l’orpaillage, qu’elle exploitait en propre des sites d’orpaillage (cette commerçante n’a pas été poursuivie pour exploitation d’un site illicite, ndlr). Le 1er magistrat (de la commune, ndlr) affirmait en outre que la mise en cause organisait, sur un rythme bimensuel, des bingos d’ailleurs truqués et qu’elle proposait à la vente des bijoux en or »;

« Avez-vous informé les gendarmes ? »
« A ma connaissance, non…» (Charles Ringuet, 18/05/2010)

A la barre, maître Marcault-Derouard s’attelle alors à discréditer ces allégations dérangeantes pour ses clientes puisqu’elles font partie du dossier d’instruction.
« Avez-vous été entendu par les gendarmes ? » demande-t-il au maire de Saint-Elie.
« Pas du tout » répond Charles Ringuet;
« Avez-vous informé les gendarmes ? » poursuit l’avocat.
Le maire se montre un brin plus évasif : « Ecoutez… à ma connaissance non… ».
« Avez-vous signé une déclaration ? ».
« Non » répond l’élu.
« Avez-vous envoyé un courrier à la gendarmerie ? ».
Nouvelle réponse : « A ma connaissance non, il faut qu’on me prouve qu’il y a un document qui a été signé par moi ».
En tout cas, plusieurs PV d’investigation rédigés, le 4 mars 2008, par le même officier de police judiciaire de la gendarmerie de Cayenne (malheureusement non cité à l’audience afin de pouvoir donner sa version et qui a, depuis, quitté la Guyane selon la gendarmerie) font état à chaque fois qu’ « au cours de la seconde quinzaine de février 2008, le maire de la commune de Saint-Elie nous informe par écrit des faits suivants ». Suit à chaque fois, sur un PV différent, le nom d’une des trois personnes mises en cause et le résumé des présumées accusations du maire.

Une dénonciation sur un papier A4 sans en-tête de la mairie, sans signature

La légèreté de l’enquête, sur la forme de ces mises en cause, est néanmoins patente. A l’audience, maître Marcault-Derouard s’empresse de saisir l’occasion.
« Il s’agit » fait remarquer l’avocat au tribunal « sur commission rogatoire (du juge d’instruction, ndlr) d’un PV d’investigations des gendarmes qui dit qu’ils auraient été alertés par un courrier que le maire leur aurait adressé ». Et l’avocat de poursuivre : « Il y a un document qui est annexé. Un document parfaitement apocryphe avec des commentaires tout à fait désobligeants à l’encontre des personnes que j’assiste ».
Le président du tribunal demande alors que l’on aille chercher ce document dans le dossier. Selon les informations recueillies sur ce point, il s’avère exact que ce document est une dénonciation sur un papier A4 sans en-tête de la mairie, sans la moindre signature. Et qu’au dossier d’instruction n’apparaît, selon les débats du tribunal, aucune audition du maire confirmant qu’il est l’auteur des dénonciations. Au minimum à ce niveau, les enquêteurs ont sans doute oublié de mettre des bretelles pour faire tenir leur pantalon. Mais où se situe la vérité ? Car il n’est pas simple, non plus (surtout sans avoir sa version des faits) d’imaginer qu’un OPJ assermenté ait pris le risque inconsidéré (sous couvert du juge d’instruction) d’inventer de toutes pièces de simples « allégations » d’un maire et l’ait écrit sur plusieurs actes de la procédure. D’ailleurs selon la logique et la chronologie des PV d’investigations, ceux-ci soutiennent à chaque fois que ces accusations ont été transmises par l’élu « par courrier ». Anecdote supplémentaire, maître Marcault-Derouard est l’avocat qui a défendu Charles Ringuet dans le dossier judiciaire dans lequel le maire de Saint-Elie a été condamné en 2009 pour… faux et usage de faux, à 3 mois de prison avec sursis dans une affaire de construction et de réhabilitation d’édifices communaux.

« Je crois que… ce qui a été dit concernant madame Edina, je vais réfuter tout cela ! »

Pour ce qui est de l’affaire des « commerçants de Saint-Elie », l’officier de police judiciaire qui a rédigé les documents en cause n’étant donc pas là pour s’expliquer à la barre, l’avocat a beau jeu d’inviter Charles Ringuet à éclairer le tribunal sur les « prétendues » informations qu’il aurait fournies aux gendarmes. L’avocat relit scrupuleusement les écrits de la lettre d’accusation en ce qui concerne l’une de ses deux clientes Edina Monteiro Monteiro : «  Elle habite cité Grant à Cayenne avec toute sa famille. Elle est propriétaire de deux véhicules 4x4 (…) de quads pour le transport de marchandises et de personnes clandestines sur différents sites d’orpaillage (…) Elle possède un commerce dans le bourg. Vend également des produits pharmaceutiques. Elle loue des maisons aux clandestins qui travaillent pour elle. Elle possède également un gros canot à moteur qui lui sert pour le transport de personnes et de marchandises entre Petit Saut et PK 6 ». Dans la partie latérale du banc des prévenus, un rien théâtrale, au fur et à mesure de l’énumération des allégations, Edina Monteiro Monteiro hoche puis secoue la tête.
L’avocat ne revient pas sur les accusations portées à l’encontre de Mme Cavalcante indiquant : « je l’ai déjà évoqué précédemment (par via la lecture d'un extrait de l'ordonnance de renvoi, ndlr) ». « Je voudrais demander au maire de Saint-Elie si c’est lui ou ses services qui ont fait ce document » demande alors Me Marcault-Derouard.
« Il ne me semble pas », répond Charles Ringuet.
« Confirmez-vous ou infirmez-vous, les comportements que l’on prête à mesdames Edina Monteiro Monteiro et Carmita Moraes Cavalcante ? » insiste l’avocat.
Le maire se montre d’abord un brin elliptique : « Ecoutez euh… pour parler de madame Monteiro, c’est une administré. J’ai des relations avec elle comme avec l’ensemble de mes administrés qu’ils soient clandestins ou pas. Vous connaissez la situation de la commune de Saint-Elie. Je crois que… (il le répète à trois reprises avant de trouver ses mots) ce qui a été dit concernant madame Edina, je vais réfuter tout cela ! Une fois, j’ai été convoqué à la gendarmerie où l’on m’a dit que madame Edina avait dit des choses sur moi. J’avais dit aux gendarmes que je n’étais pas dans une démarche conflictuelle avec cette dame. Je me pose des questions parce que tantôt on dit que c’est elle qui a dit, ensuite on dit que c’est moi qui ai dit. Ca me paraît un peu bizarre. Si la démarche est de me mettre en porte à faux avec mes administrés, ça ne m’intéresse pas. J’ai suffisamment de travail…Si c’est une manière de me déstabiliser en mettant ces gens contre moi ou en prétextant (sic) des choses, je ne l’accepte pas ».
L’avocat invite alors vigoureusement le maire à ramasser ses propos : « Moi ce que j’ai entendu, c’est que vous réfutiez complètement ce qu’il est dit sur madame Edina Monteiro ! ».
« Tout à fait » répond Charles Ringuet.
« Et sur Carmen Moraes ? » poursuit l’avocat.
Le maire a alors ce lapsus : « Je confirme cela » répond-il.
« Vous contestez ? » rectifie presque le président Fournié.
« Voilà des choses importantes et tristement révélatrices du climat de l’enquête » conclut, à sa sauce, l’avocat.
« La situation est assez tendue sur le commune où j’ai été braqué (alors qu’il prenait des photos, selon des sources bien informées, ndlr). Il est déjà difficile de gouverner cette commune. Pensez-vous qu’en avançant de tels propos… De telles démarches me paraissent dangereuses » reprend le maire.

Et les photographies figurant au dossier ?

Après quelques échanges sans surprise entre l’élu et le président du tribunal, Me Endelmont-Parfait, l’avocate de Michel Sobaszek et de son épouse, un couple de commerçant de Saint-Elie poursuivi, saisit l’occasion pour interpeller le maire : « Je lis les déclarations que vous auriez faites concernant monsieur Sobaszek. Je voulais avoir votre confirmation ou votre infirmation des propos que vous auriez tenus à son encontre. A savoir que monsieur Sobaszek s’adonne au transport de marchandises et commerce en tout genre, qu’il héberge dans sa maison, à Saint-Elie, des clandestins qui travaillent pour son compte. Je voudrais savoir si vous avez dit que M. Sobaszek héberge des clandestins ? » 
Charles Ringuet se montre encore plus elliptique : « Il y a quelque chose qui m’étonne » répond-il, en parlant de lui à la 3ème personne mi Alain Delon, mi Christiane Taubira, « le maire aurait dit beaucoup de choses sur différentes personnes. Je crois que si j’ai des démarches à faire, je fais des rapports, j’écris à la préfecture. Je dis : il y a tel ou tel problème. En réalité, les gendarmes qui sont là n’ont pas besoin de moi pour savoir la réalité de ce qui se fait. Je crois que c’est un peu facile de dire : c’est le maire ».
Perdant patience, l’avocate de M. Sobaszek le coupe : « Mais vous n’avez pas signé de déclaration ? Vous n’avez pas envoyé de courrier ! ? ».
Le maire répond : « Ecoutez madame je maintiens ! ». Sous entendu, on l’imagine, « je maintiens (là encore) que je réfute ».
Aux basques du maire, Me Marcault-Derouard trépigne pour qu’on en finisse. Pourtant, tout bon connaisseur du dossier sait que Charles Ringuet et Michel Sobaszek ne passeraient pas leurs vacances ensemble. Michel Sobaszek a démissionné il y a quelques années du conseil municipal. Mais à notre humble avis, ce dossier dans le dossier n’est pas clos. Car il y a, en effet, d’autres éléments, des 11 tomes de l’instruction, qui semblent ne pas avoir fait, jusque là, l’objet du moindre démenti. Le même officier de police judiciaire a en effet versé au dossier des PV d’investigations faisant état, cette fois, de « photographies » concernant certains commerçants « prises par le maire et à nous remises ». Mais là, motus et bouche cousue au procès. On n’en a pas parlé.
 

FFarine


Voir aussi :
15/05/10 : Le feuilleton Saint-Elie, épisode 1
16/05/10 : Le feuilleton Saint-Elie, épisode 2
17/05/10 : Le feuilleton Saint-Elie, épisode 3
18/05/10 : Le feuilleton Saint-Elie. Premier jour de procès

 

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