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André PARADIS est né en France "hexagonale" il y a 64 ans, et il est venu s'installer en Guyane en 1966. Il a fait toute sa carrière de professeur d'anglais au lycée Félix Eboué de Cayenne d'abord, puis à l'Institut d'Etudes Supérieures de la Guyane. Il jouit actuellement d'une retraite qu'il estime méritée.
Mais André PARADIS continue à provoquer les auditeurs de RFO tous les jours dans "La Plume à l'Oreille" (6h25 le matin, rediffusion le soir à 18h25) et il a publié deux romans ("L'Année du fromager" en 2000 et "Le Soleil du fleuve" en 2002) et un recueil de nouvelles ("Marronnages" en 1998). Il a milité en politique toute sa vie, et il est membre du Parti Socialiste Guyanais. Il déteste le racisme et la démagogie.

A PROPOS DU MÉTISSAGE,  par  André PARADIS

Le livre de M. Jules Linguet Imbattables Créoles, dont on a jusqu’ici parlé dans les milieux “intellectuels”, sort de ce cercle assez restreint pour aborder le milieu politique. Le livre figure en effet dans la liste des livres recommandés par le site internet du MDES, et par ailleurs ROT KOZÉ, le magazine du parti, lui ouvre ses colonnes. Dans son n° 137, le journal publie un article assez long de M. Linguet lui-même, qui défend son livre contre des critiques “qui relèvent pour la plupart d’un type d’immigration bien particulière” - c’est à dire venant de Blancs. On peut supposer que cela signifie que le MDES et ROT KOZÉ approuvent les thèses de M. Linguet, puisque le parti ne mettrait pas dans la liste des livres qu’il conseille, un livre dont il n’approuverait pas le fond. D’autre part le magazine n’a pas pour habitude de donner la parole à des opposants.

Mais soyons généreux et supposons que les dirigeants de ROT KOZÉ aient mal mesuré la portée de ce qu’ils recommandent à leurs lecteurs. Supposons aussi qu’ils n’aient fait que parcourir un livre où les thèses racistes explicites n’occupent, il est vrai, qu’une place assez réduite. Notre inquiétude devant la publication de ces thèses et leur appropriation par un groupe politique n’en serait pas amoindrie.

M. Linguet, s’il se plaint beaucoup d’être la victime d’une cabale ethno-politique (ce qui est une contrevérité, de nombreux Créoles, de toutes appartenances politiques, dont des élus de haut rang se sont déclarés horrifiés par son livre), se garde bien de rappeler le coeur de ses thèses. Jugeons sur pièces. Voici donc ce qu’écrit M Linguet (entre autres ! Le lecteur n’a que l’embarras du choix pour les citations!)

“Le métissage apparaît comme une rupture de l’ordre naturel, un désordre, (...) la règle fondamentale de la Nature naturante étant celle de la pureté.”

“S’il pouvait être choisi en toute lucidité, [...] le métissage s’apparenterait à une immolation à caractère profanateur et meurtrier...”

“Ce dommage atteint plus massivement les sociétés femelles ou dévirilisées...”

“Nombre de sociétés éprouvent pour le métissage une répugnance instinctive accusée et le perçoivent comme un abâtardissement, une dégénérescence, une infamie...”

“Dans les sociétés mâles (conquérantes et tenues pour indomptables) le métissage condamne, presque toujours, ceux qui en portent la marque, à un sort douloureux, voire méprisable, si ce n’est à la mort.”

Etc....

Dans les sociétés mâles, le métissage condamne donc à la mort. M. Linguet nous dira peut-être lui-même si la société guyanaise qu’il appelle de ses voeux est une société mâle.

M. Linguet, critiqué entre autres dans La Semaine Guyanaise (mais aussi porté aux nues dans le même magazine comme “le nouveau René Maran” !), a tenté de faire croire que son livre entendait ouvrir un débat. Cet argument n’est pas acceptable. La croyance en la supériorité des races pures, qui est au centre du nazisme, a été condamnée sans appel au procès de Nuremberg, et à de nombreuses reprises par la suite, et il ne saurait être question d’une réouverture du débat. Ce qui est en jeu est tout simplement la survie de la civilisation, si régulièrement mise à mal. En témoignent les deux millions de morts du Cambodge, les 700 ou 800.000 morts du Rwanda, et la plupart des guerres en cours au moment où j’écris, qui prennent appui sur la croyance d’un groupe en sa supériorité raciale et en sa pureté ethnique.

La question qui doit nous préoccuper le plus en Guyane est celle-ci : pourquoi certains (indépendantistes ou non) se croient-ils obligés de reprendre ce genre de thèse et d’en faire une partie de leur programme politique ? Pourquoi ne pas prendre le peuple guyanais tel qu’il est ? A priori, on doit pouvoir être indépendantiste sans pour autant vouloir détruire son peuple, même pour le purifier. Masochisme ou quoi?

On a beaucoup dit et répété que le métissage s’était fait en Guyane par le viol des femmes noires par les hommes blancs. Mais ce qui est un fait historique avéré à l’époque de l’esclavage, devient une dangereuse démagogie quand on tente d’en faire une arme politique au 21ème siècle. D’abord parce qu’il y a en Guyane des métis qui n’ont rien à voir avec les Blancs. Et ensuite parce qu’on jette l’opprobre sur une partie de la population guyanaise contemporaine, qui ne demande qu’à vivre sa liberté citoyenne et n’est responsable de rien. Et ne se sent ni inférieure ni mauvaise, ni adultérée, ni infâme comme on essaye de le lui faire croire, sous prétexte qu’elle est de sang mêlé.

Lénine disait “les faits sont têtus”. En voici un, le peuple guyanais est un peuple métis. Que cela plaise ou non, c’est un fait. Même si quelqu’un savait ce qu’est une race pure (moi, je ne le sais pas, et aucun biologiste ne le sait), il est visible que ce n’est pas en Guyane qu’il faudrait la chercher. Car même si on a l’infantilisme (ou l’ignorance) de croire que quelqu’un est pur parce qu’il est très noir, (ou bien très blanc) on retombe dans la sottise de croire qu’il existe une race pure africaine (ou européenne), ce qui est du délire et ferait rire n’importe quel ethnologue ou généticien, noir ou blanc. C’est pourtant sur cette ânerie, qui pose les équations  pureté = noirceur  ou  pureté = blancheur qu’on s’appuie. Et bien sûr, comme Hitler faisait avec les Juifs, il va bien falloir établir des pourcentages d’impureté acceptables. Et voici de retour la grande connerie humaine. Nous sommes ici à l’opposé complet de ce que devrait être la mission d’un parti politique: l’éducation de son peuple, l’éradication des idées fausses qui conduisent à la haine raciale.

Pour revenir aux fantasmes de certains, il va falloir ramer dur en Guyane si on veut purifier la race. Car c’est sans doute dans les 90% des Guyanais qu’on va être obligé de ranger dans les inférieurs, les tarés et les ennemis du “peuple”. J’espère que, au contraire de ce qu’on a fait en Bosnie, par exemple, on s’arrêtera juste avant de passer à l’extermination, et ce d’autant plus que même parmi les cadres de nos partis politiques, il faudra faire un drôle de ménage ! Je parle de la Bosnie, car on voit bien comment le Tribunal Pénal International, qui juge en ce moment M. Milosévic et qui a condamné de nombreux auteurs du génocide yougoslave ressent peu de pitié pour ce type de crimes. Rappelons aussi qu’il existe un tribunal international qui essaye de rendre une certaine justice au Rwanda, et qu’un procès des Khmers Rouges essaye tant bien que mal de se mettre en place. Ceci devrait peut-être nous retenir de figurer dans la liste ?

Les thèses de M. Linguet sont absurdes, ce qui n’est pas grave, mais aussi terriblement dangereuses. Et si elles sont reprises par un parti politique, il est grand temps de commencer à hurler “au fou” et “au feu” ! Car nous savons bien que ni pour Pol Pot ni pour les organisateurs du génocide rwandais, la perspective d’assassiner 90% de la population de leur pays n’a paru tellement effrayante. Ce sont des faits ! Les fanatismes sont aveugles et plus que tous les fanatismes racistes. Il est difficile de croire qu’il y ait une frange du peuple guyanais fanatisable à ce point, mais on peut, hélas! s’il le faut, avoir recours à des bourreaux étrangers, ce qu’on a déjà fait en certaines occasions. L’histoire du dernier siècle (et ce siècle-ci est bien mal parti) montre qu’il faut être infiniment prudent avec ce que d’aucuns appellent la sagesse populaire. Et ne pas croire que les gens sont adultes ou sains d’esprit simplement parce qu’ils le disent.

                                                                   André PARADIS, mai 2003.

Ce texte a été envoyé à France-Guyane qui a refusé de le publier à cause de la mise en cause qu’il fait du MDES. Mais ce parti n’est cité que parce qu’il mentionne en public et par écrit, et sans les condamner, bien au contraire, les thèses de M. Linguet. Cette “légèreté” n’est pas uniquement de son fait, d’autres en ont été coupables. C’était tout à fait le droit de France-Guyane de refuser de publier ce texte, et cette décision était même logique. Une version édulcorée n’avait aucune raison d’être dans la mesure ou le sujet de ce texte n’est pas dans sa critique du livre de M. Linguet, mais dans la dénonciation de l’application politique qui semble devoir en être faite par certains.
J’insiste sur le point qu’il ne s’agit que d’un article destiné à un journal grand public. Il mériterait sans doute d’être développé et approfondi.
Il est urgent, si la société guyanaise veut survivre, qu’elle se dote des moyens de combat intellectuel et moral qui lui permettront d’éviter le sort de presque toutes les sociétés pluri-culturelles qui, de la Belgique à la Yougoslavie en passant par l’Indonésie et de nombreux “états” africains ou asiatiques se sont détruits eux-mêmes ou sont en voie de le faire dans la haine de l’autre. Il est en particulier nécessaire de se doter de la volonté et des moyens de lutter contre les manifestations racistes de tous bords qui échauffent les esprits. Les sections locales des organisations antiracistes importées de métropole se sont disqualifiées, ce qui ne surprendra personne, en adoptant une définition raciste du racisme (“un acte raciste est un acte d’agression commis par un Blanc contre un Créole,”) définition qui ne nous aide aucunement.
Contrairement à ce qu’on raconte dans les histoires pour enfants, il est difficile de ne pas être raciste. Ce doit être l’objet d’une surveillance permanente et d’un combat de tous les instants. La survie est à ce prix.
CECI EST UN FAIT ET PAS LE PRÉAMBULE A UN DÉBAT.

A.P.
__________

N.d.E.: MDES = Mouvement de Décolonisation et d'Emancipation Sociale. www.mdes.org 


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