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Jodla 07/05/10
« Un jour, dans quelques générations,
nos interrogations sembleront désuètes et naïves »*

L'heure est à la réflexion sur le devenir de la Guyane, et dans un premier temps sur la construction de la nouvelle collectivité territoriale. Des signaux s'allument de tous côtés pour éclairer une difficile prise de conscience.  Au Conseil régional, on a déjà choisi l'échéance de 2014 pour mettre en place la nouvelle collectivité, et au Conseil général une mission d'appui vient d'élaborer un état des lieux des finances complexes et peu brillantes du département (le rapport de  mission de Mireille Pierre-Louis, en date du 26 avril 2010, et Annexe).

Le Club Expertise et Développement dirigé par Nestor Radjou apporte sa contribution citoyenne dans la réflexion : « Quelle nouvelle collectivité bâtir ? », où sont proposées de nombreuses pistes pour organiser, simplifier et rééquilibrer ce qui est déjà nommé ici comme la « Région Départementale de Guyane ». En conclusion de cette contribution, Expertise et Développement lance un véritable avertissement : « le risque existe de voir une diminution des financements européens pour la période postérieure à 2014. Le traitement de cette situation sera d’autant plus complexe que l’ouverture du pont de l’Oyapock est prévue pour 2011 et que les nouveaux accords de partenariat économique sont déjà en vigueur. [...] La conséquence est que la Guyane est contrainte d’ouvrir son marché intérieur aux produits de ses voisins, sans pour autant avoir un libre accès aux leurs

Gérard Police, qui vient de consacrer quelques années de sa vie à observer « Le discours brésilien sur la Guyane française », nous propose un ouvrage tout récemment paru chez Ibis Rouge, sous un titre furieusement évocateur : « €udorado ». 
Ce regard que porte sur nous la société brésilienne, rapporté et analysé finement par Gérard Police, arrive comme une véritable révélation.  A l'appui de la démonstration, de larges citations d'articles de journaux, de discours politiques, d'exemples pris à la télévision ou dans la littérature contemporaine brésilienne, redessinent sans ménagement une Guyane inamicale et couverte d'euros. Et nous allons bien devoir accepter de regarder dans ce miroir déformant cette image de nous-mêmes occultée jusqu'ici. Elle nous renverra à nos préjugés et même à notre autisme devant cet immense voisin qui nous regarde sans tendresse. Pour Gérard Police, telle est peut-être pour la Guyane « la nécessaire catharsis pouvant contribuer à la sortir de son enfermement, au prix du renoncement aux illusions démagogiques, à l'angélisme, au nombrilisme. »

Extraits de cet ouvrage incontournable de 512 pages :

Dans les récits et textes d'où ont émergé ces interrogations figurent des points de vue, des assertions et des jugements qui vont de l'extrêmement pertinent au franchement absurde. Si notre objectif est de connaître la vraie nature des regards et des propos, il faut les reproduire, même si l'exercice est parfois désagréable. Les valider ou les infirmer relève de notre bon sens, de notre savoir, de nos choix idéologiques. Le risque est grand de ne pas plaire à tout le monde. Nous nous aventurons en terrain difficile, puisqu'il y a dérangement de quelques pensées prêt-à-porter et d'idées commodes. (extrait de l'introduction)

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Le système d'images et représentation brésilien sur la Guyane est globalement négatif. Mais il est ignoré par la principale intéressée et, par avance « blindé », dans le sens où il est mal vu ou jugé incorrect de le mettre en évidence. En revanche, le système d'images et représentations guyanais sur le Brésil est inconfortable et prisonnier de ses contradictions. Au plan de la politique nationale, il est décalqué sur le modèle français. Au plan local, des conditions tout à fait spécifiques conduisent à des représentations et préjugés négatifs envers certains éléments associés au Brésil et qui se heurtent au schéma d'origine française. Cette dualité reste informulée et même refoulée.

......

Parmi les caractéristiques peu ou pas vraiment françaises de la Guyane, la question du non-droit ou du mal-droit est vite perçue et vécue. Un dicton brésilien dit : « Pour mes ennemis, la loi ; pour mes amis, tout ». L'ex-président de la commission d'éthique du gouvernement Lula déclare, au détour d'une interview : « Celui qui se conforme à la loi est considéré comme un imbécile ». La loi n'a donc pas pour fonction de réguler au mieux les rapports entre citoyens, mais de porter préjudice à ceux qui ne peuvent s'y soustraire. Sur les lointaines lisières amazoniennes, le droit est un handicap. [...] L'orpaillage est le lieu de toutes les violations de la loi. Non pas seulement commises par les garimpeiros brésiliens, mais par des citoyens français « au-dessus de tout soupçon ». Une certaine publication guyanaise, avec l'un des rarissimes journaliste d'enquête officiant dans le pays, se fait épisodiquement l'écho des démêlés judiciaires de receleurs, trafiquants et autres margoulins. Des fortunes colossales et discrètes se sont construites et se construisent en Guyane sur l'exploitation aurifère de l'exploitation des travailleurs brésiliens.

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Une enquête réalisée à Belém auprès de 300 femmes et adolescentes enrôlées dans la prostitution indique les destinations suivantes : Surinam (59,1%), Espagne (20,9%), Pays-Bas (16,5%), France (15,4%) et Guyane française (9,9%). Par ailleurs, l'Amapà, porte d'entrée vers la Guyane française et le Surinam, est en tête de liste des états de destination avec 28,7 %. Sur les trois itinéraires de la traite humaine inventoriés dans le Parà, le plus connu est celui qui emmène les femmes et les adolescentes vers Macapà, puis Oiapoque avec, pour destination finale, la Guyane française, mais aussi parfois les Pays-Bas.

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Le rapport établi entre le développement d'activités minières et la prostitution est généralisable à des situations analogues et conduit à considérer que la période de chantier de construction du pont sur l'Oyapock entraine un accroissement notable du fléau.
En Guyane tout va bien. Les pédophiles multiplient les déplacements pour « affaires » chez le voisin. Au Brésil on tente d'agir : [...].

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Le développement de l'Oiapoque a besoin du pont et celui-ci est attendu avec impatience par les Brésiliens. Les éventuelles retombées profitables au côté français ne se situent visiblement pas à la même hauteur. Mais en même temps, le diagnostic et le remède proposés ne sont pas contestables : seul le développement social du côté brésilien pourrait faire baisser la pression sur la Guyane. D'où le grand intérêt conjoint du Brésil, de la France et de la Guyane de voir affluer les fonds européens et français - et brésiliens jusqu'à un certain point - vers cette région potentiellement explosive. Ce qui ne veut pas dire que les bonnes intentions seront respectées ni que les subventions ne seront pas détournées.

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Dans son discours sur l'outre-mer du 6 novembre 2009, le président Nicolas Sarkozy a posé le principe d'un marché commun pour le plateau des Guyanes, « notamment avec le Brésil ». La formule est enthousiasmante sous les lambris dorés. Elle perd de sa superbe une fois arrivée dans la torpeur équatoriale. Les facilités élargies de commerce avec le Brésil vont, bien entendu, dans le sens des intérêts des producteurs et exportateurs brésiliens et des intermédiaires et distributeurs locaux. Les prix de revient imbattables des produits brésiliens - et le Brésil produit TOUT - cassent toute possibilité de production rentable en Guyane. La délocalisation de production concomitante au principe de marché commun peut même permettre à certains secteurs du côté français de s'installer côté brésilien. Tant mieux pour les bénéfices des sociétés. Tant pis pour l'emploi et le tissu artisanal et industriel guyanais.


Gérard Police est docteur en civilisation brésilienne, maître de conférences à l'Université des Antilles et de la Guyane, et depuis plus de trente ans acteur des études et de la recherche dans le domaine lusophone en Guyane. Il est l'auteur de :

  • La Fête noire au Brésil (L'Harmattan)
  • Quilombos dos Palmares (Ibis Rouge)

En savoir sur Gérard Police + sur le site d'Ibis Rouge.

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* Le titre de ce jodla est une citation de Gérard Police, phrase finale de l'introduction à « €udorado »
L'illustration de couverture de cet ouvrage est due à Olivier Copin, qui vient par ailleurs de publier une BD documentaire sur la construction, en collaboration avec l'architecte Rémi Auburtin : Chéri, je veux une maison.

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Gérard Police est également l'auteur de plusieurs chroniques parues sur blada.com :

 

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