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Les réserves halieutiques
de la Guyane

et l'Action de l'Etat en Mer
par Philippe Boré

Aussitôt après son arrivée en Guyane en 1994, Philippe Boré - qui venait de quitter la direction d'une ONG de protection de l'environnement métropolitaine - participait à une expédition à destination du Tebu Top, un inselberg remarquable situé non loin des rives du Tapanahony, au Surinam. Un séjour très instructif
L’organisateur de cette expédition était Kris Wood, fondateur du Pou d’Agouti, une association environnementale basée à Saint-Laurent, aujourd'hui disparue.
Au retour de ce voyage mémorable, Philippe Boré oublia son billet retour et prit la charge de rédacteur en chef bénévole du « Pou d’Agouti », le magazine trimestriel de l’organisation écologique au slogan éloquent : « Le journal qui démange et qui dérange ». En 1999, au décès de son président Kris Wood, Philippe Boré reprit le flambeau de l’ONG, le temps qu’une équipe de jeunes prenne connaissance des dossiers « chauds » : le Pou d’Agouti dénonçait déjà en 1996 les ravages de l’orpaillage illégal et avait même lancé dans son numéro 20 (1997), une pétition contre la délivrance à ASARCO (ex-Cambior) de permis de recherche aurifère sur la montagne de Kaw.

Philippe Boré a publié en 1998, en auto-édition, l’ouvrage « Randonnées en Guyane » qui comptait dans sa version originelle 12 balades pédestres. La nouvelle et quatrième édition est attendue pour octobre 2006, avec 26 circuits pédestres.
Le premier Guide du Surinam en langue Française est aussi à son initiative et paraitra en septembre 2006.
Philippe Boré est par ailleurs membre fondateur du « Collectif : Quel orpaillage pour la Guyane » et des « Verts Guyane », deux organisations qui considèrent, entre autres, que l’orpaillage n’est ni une fatalité ni un véritable outil de développement à long terme et surtout pas un acteur du développement durable.


Sous l’impulsion du coordonnateur Guyane du Contrôle des Pêches, les services de l'Etat qui participent à l’Action de l’Etat en Mer, c'est-à-dire les Affaires Maritimes, les Douanes, la Marine nationale et la Gendarmerie maritime, ont organisé un réseau de surveillance et d’interventions en mer pour lutter contre les intrusions des pêcheurs clandestins attirés par la richesse des ressources halieutiques de la Guyane. Cette situation est le résultat d’une gestion désastreuse de la pêche des eaux surinamaises et brésiliennes ces vingt dernières années.

En 2003, pas moins de 37 navires ont été arraisonnés pour activité de pêche illégale, généralement brésiliens ou surinamais. Ce chiffre est passé à 63 en 2004 pour redescendre à 40 navires en 2005.

Selon les Affaires Maritimes, ces chiffres 2005 expriment une évolution dans les actes de braconnage. L’Action de l’Etat en Mer est enfin prise au sérieux par les pêcheurs frontaliers et les probabilités de se faire repérer sont désormais trop élevées pour être négligées. La pêche clandestine étrangère se cantonne essentiellement aux zones maritimes “frontalières” de la Guyane, propices aux échappées rapides. Aujourd'hui, les braconniers hésitent à poser leurs filets au large du Sinnamary comme ils le faisaient couramment auparavant.

Après un constat de flagrant délit, les navires en fraude font l'objet de PV d'infractions et sont déroutés au port du Larivot, à la Base Navale de Degrad des Cannes ou à Sinnamary. Les cargaisons de produits de la mer sont systématiquement rejetées à la mer. Les marins sont ensuite reconduits dans leurs pays respectifs par la PAF, alertée entre temps.

L’armateur devra pour récupérer son navire acquitter une amende de 22 500 euros s’il s’agit d’une tapouille, de 45 000 euros s'il s'agit d'un ligneur, et de 75 000 euros pour un chalutier. Ces sommes sont dissuasives par rapport à la valeur des embarcations saisies sauf pour les grands chalutiers. D’ailleurs, seul le propriétaire du chalutier surinamais SUSHIN MARU appartenant à la South Américan Fischeries a réglé au Trésor public la caution qui lui était imposée.

Pour les nouveautés 2005, on notera la livraison à la gendarmerie maritime de deux nouvelles vedettes rapides, pouvant atteindre 25 nœuds pour un tirant d’eau de 1,50 m qui s’ajoute au Grage, une coque aluminium de 7,50m avec une vitesse de pointe de 30 nœuds pour un tirant d’eau de 0,75 m. Le tirant d’eau est un atout considérable pour le GRAGE qui peut s'approcher des mangroves guyanaises. L’époque où il suffisait aux braconniers de se rapprocher des côtes pour échapper aux représentants de l’Etat est ainsi révolue.

Les raisons qui poussent les marins-pêcheurs à pénétrer illégalement dans les eaux territoriales guyanaises sont d’ordre écologique et économique. La surpêche des crevettiers coréens et surinamais, autorisés à pêcher le long des côtes (dès 3 miles) ainsi que des très nombreuses embarcations côtières, ont fait disparaître la biodiversité marine des eaux surinamaises.

Des estimations sur la pêche illégale mettent en évidence le déséquilibre en ressources halieutiques entre la Guyane et le Surinam. D'après des discussions informelles avec certains pêcheurs, de 20 à 50 Acoupas rouge étaient pêchés chaque nuit dans l’Ouest guyanais en juillet/août 2004, alors que dans les eaux surinamaises seulement 2 à 10 Acoupas rouge par nuit semblaient être capturés pendant la même période, pour un effort de pêche similaire.

Il apparaît en conséquence qu’à l’heure actuelle, pour un effort de pêche comparable, 2 à 10 fois plus de poissons à forte valeur commerciale peuvent être capturés dans les eaux guyanaises que dans les eaux surinamaises.

Considérant le coût d’une embarcation surinamaise (coque, moteur, filets...) et le produit de la vente à Paramaribo, on constate qu’il suffit de moins de 10 campagnes de pêche menées illégalement dans les eaux françaises pour rembourser la construction d’un bateau neuf.

Ce constat prouve que le moindre relâchement des Services de l’Etat conduira immédiatement à un retour des actions de braconnage, tant le « jeu en vaut la chandelle ».

La pêche en Guyane :
En bref


La pêche à la crevette
est sans doute l’activité du genre la plus destructrice et la moins écologique que l'on connaisse. Pour 1 tonne de crevettes capturées, on rejette à la mer de 7 à 10 tonnes de poissons morts divers et on consomme presque 10 tonnes de carburant... Une aberration économique à laquelle s'ajoute la destruction de centaines de tortues marines chaque année.

1 tonne de crevettes exportée (quelque soit leur taille ce qui encourage la capture de juvéniles) rapporte 1100 euros de subventions européennes à la compagnie de pêche, en plus de son prix de vente !

La ZEE de la Guyane est réservée aux pêcheurs locaux, exception faite de 45 licences accordées à des pêcheurs vénézuèliens dans le cadre d’un règlement communautaire. En contrepartie, les marins vénézuéliens, dont l’activité se cantonne uniquement au vivaneau (1000 T/an) et aux requins, doivent vendre 75% de leur tonnage à deux usiniers guyanais.

Le reste peut-être vendu à un tarif plus avantageux ailleurs.


2 zones maritimes distinctes sur les côtes guyanaises :
- Les eaux territoriales s’étendent à partir de la côte jusqu’à une ligne imaginaire située à 22 km au large.
- La Zone Economique Exclusive s’étend à partir de la côte jusqu’à une ligne imaginaire située à 360 km au large.

Différents opérateurs au large des côtes :
- les artisans guyanais ont l’exclusivité de pêche dans les eaux territoriales.
- les 45 ligneurs vénézueliens opérant sur licences accordées par l'Union Européenne doivent opérer au delà des eaux territoriales.
- les crevettiers sont autorisés à traîner leurs chaluts lorsque les fonds atteignent plus de 30 mètres de profondeur soit environ au delà de 25 à 30 km au large (En moyenne, les fonds marins gagnent 1 m de profondeur par km).


Le service des pêches du Surinam ne collabore pas vraiment avec la Guyane et n’hésite pas à délivrer une nouvelle licence à un capitaine s’étant fait saisir son embarcation par la gendarmerie maritime française, une fois, deux fois...
Depuis quelque temps, les navires en pêche illicite ont pris pour habitude de ne plus répondre aux injonctions de la Marine nationale, par diverses méthodes allant de la fuite à la simulation de collision en passant par la résistance avec armes à feu. C’est la raison pour laquelle, le 2 juin 2006, une vaste opération contre la pêche clandestine a été menée avec la collaboration des forces armées en Guyane, épaulées par un détachement de commandos de marine et un avion de surveillance Falcon 50 basé à Lorient. Malgré ces mesures exceptionnelles, un des navires interpellés a pu rejoindre les eaux territoriales brésiliennes, non sans avoir blessé par balle un militaire.

Protection des tortues marines :
les Crevettiers guyanais à la traîne !


Dans les eaux communautaires de Guyane, les stocks de crevettes sont exploités par des méthodes de pêche connues pour être à l'origine d'une mortalité importante de tortues marines.

Dans un récent rapport de thèse dont je vous recommande la lecture (Etude des déplacements en mer des tortues luths nidifiant sur le plateau des Guyanes, de Sandra Ferraroli), on apprend que des scientifiques ont estimé à plus de 1500 le nombre de tortues marines capturées accidentellement chaque année par les pêcheries crevettières de Guyane, avec une majorité de tortues olivâtres.

Pourtant, il existe un procédé technique appelé (TED = «Turtles Excluded Device ») qui s’adapte aux équipements des chaluts et qui permet de limiter considérablement la capture de tortues marines dans les filets des chaluts crevettiers ; cette réglementation relative à l'utilisation de dispositifs d'exclusion des tortues marines, a été mise en place aux Etats-Unis entre 1987 et 1994, est en service chez nos voisins surinamais.

La Guyane se distingue à nouveau par son laxisme en cette matière. Aucune compagnie de pêche n’a accepté d’adopter ce procédé, qui plus est, peu contraignant.

Faudra-t’il encore que le consommateur engage une action dissuasive tel un boycott des crevettes (rappelons-nous celui du thon lié massacre des dauphins) pour que le bon sens triomphe face au concept de « Après nous, le déluge »1 ?


Principal site de ponte au monde

Le déclin des tortues marines est en grande partie lié aux captures accidentelles que génèrent les activités de pêcheries côtières. La Guyane est par ailleurs le principal site de ponte au monde de ces reptiles marins, la responsabilité de la France est donc engagée et d’ordre international. Aussi, à l’instar du Surinam, des scientifiques tentent de convaincre les autorités françaises qu'une zone protégée, centrée au large de l’estuaire du Maroni et d'un rayon de 40 km (soit 5000 km2), permettrait d'éviter un nombre considérable de captures accidentelles de tortues marines par toutes les pêcheries opérant sur le plateau des Guyanes.

Tortues marines
elles viennent de loin, quelques mois par an, et de moins en moins nombreuses.
Sachons les accueillir !

Philippe Boré
bore.phil@wanadoo.fr

Juillet 2006



(1) « Et-ta-mer-t-y-penses » : tel est le titre d’un guide à l’usage du piscivore responsable à télécharger absolument sur le site de Green Peace

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