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Infos citoyennes

24/12/21
Les progrès fulgurants de la médecine en 40 ans dans l’ouest guyanais

A 69 ans, celui que l’on surnomme « Bigi Datra » sur le Maroni prend sa retraite. Seul médecin au début des années 1980 à la maternité du Chog, il a beaucoup appris seul et a publié de nombreux articles scientifiques sur les grossesses en zone tropicale. Constatant les améliorations au fil des décennies, il souligne la qualité des soins apportés en Guyane. Et laisse aujourd’hui les clefs de la maternité au Dr Najeh Hcini.

C’était le 18 novembre, au deuxième jour des Assises amazoniennes de gynécologie-obstétrique, qui réunissaient une centaine de professionnels de santé dans un hôtel de Cayenne. Parmi eux, le fraîchement retraité Dr Gabriel Carles dont la carrière se mêle à l’histoire de la maternité de Saint-Laurent du Maroni depuis plus de quarante ans. Stéphanie Bernard, coordinatrice du réseau Périnat et cheville ouvrière de ces journées amazoniennes annoncent la diffusion d’un film. Le Dr Anne Favre et « tout un tas d’anciens internes » se succèdent à l’écran pour rendre hommage à celui que les habitants du Maroni surnomment « Bigi Datra », le grand docteur.

Grand, il l’est par la taille. Par son parcours professionnel en Guyane aussi qu’ont relaté ses proches lors d’une cérémonie au Chog et que résument deux chiffres : 300 naissances par an à la maternité de Saint-Laurent du Maroni à son arrivée au début des années 1980, 3 300 en 2019, un peu moins l’an dernier, l’épidémie de Covid-19 ayant sans doute reporté quelques projets de maternité.

« Tout a basculé avec la guerre au Suriname »

« Tout a basculé avec la guerre au Suriname, se souvient-il. En un an, nous sommes passés de 300 accouchements à 800. » Interne à Toulouse, il avait effectué deux semestres en Guyane, de septembre 1979 à septembre 1980. Il rédige sa thèse sur l’anguillulose. Le Dr Franck Joly, qui garde un bon souvenir de lui, lui demande de venir le remplacer quelques mois plus tard. Il vient. Repart en Afrique. Le Dr Joly lui propose un poste d’assistant en médecine-pédiatrie. Avril 1982 : Gabriel Carles dépose ses valises à Saint-Laurent du Maroni. Elles n’en repartiront pas.

L’hôpital se trouve encore dans les bâtiments de l’ancien bagne et porte le nom d’André Bourdon. C’est donc là qu’il passera ses premières années, jusqu’en 1995 et la construction de l’hôpital Franck-Joly, dans le centre-ville. Gabriel Carles se partage entre le service de médecine-pédiatrie et la maternité. « C’était une époque bénie » pour le jeune médecin qu’il était. La maternité voit le jour en 1983. La situation sanitaire est aux antipodes de celle que l’on connaît aujourd’hui. « On se trouvait dans la même situation qu’au Mali. Il y avait des épidémies de paludisme. Un enfant sur dix mourait dans les premiers jours. Mais c’était des maladies qu’on arrivait à soigner, ce qui était très valorisé aux yeux des patients. » Aujourd’hui, la mortalité infantile a été divisée par sept.



« Il faut arrêter de se critiquer en permanence en Guyane »

A la maternité, il est longtemps le seul médecin, comme il le rappelle dans ce reportage de Guyane la 1ère. « Je suis resté seul de garde tous les jours pendant huit ans, de 1984 à 1991. C’est inimaginable aujourd’hui. » Il achète des livres, apprends seul, rencontre des patrons, notamment à Caen « qui ont vu ce que je faisais et qui me formaient pendant mes vacances ». Echographie, chirurgie, obstétrique : ses connaissances grandissent au rythme où augmentent le nombre des naissances dans l’ouest.

Le Dr Carles se lance dans la recherche : « J’avais plein de maladies, j’étais équipé. On avait les mêmes problèmes qu’en Afrique mais avec des moyens pour les étudier. Cela m’a permis de découvrir beaucoup de choses et de publier beaucoup. » Il connaît les chiffres par cœur : 180 articles scientifiques publiés, cinq livres, 35 thèses dirigées et « 25 000 personnes qui suivent mes publications ». Sans doute le chiffre le plus éloquent à ses yeux : « Il faut arrêter de se critiquer en permanence en Guyane. Il faut être fier. Les connaissances des services de maladies infectieuses et tropicales, et de dermatologie de Cayenne servent à toute la communauté mondiale. La Guyane, seul pays développé en zone tropicale, est un exemple pour le monde. Ce que j’ai découvert sur le paludisme sert au Brésil, en Afrique. J’ai les plus grandes séries mondiales sur la leptospirose et les grossesses. Je suis régulièrement interrogé. »

« Mon principal challenge a été de gagner la confiance des gens »

Pendant trente ans, il s’est rendu à Grand-Santi pour proposer des échographies aux femmes enceintes. Ces dernières années, il a beaucoup publié sur le zika, la dengue, le chikungunya, puis le Covid-19. A Saint-Laurent, 800 femmes enceintes ont fait un zika. « Mais nous avons eu moins de lésions cérébrales qu’ailleurs », constate-t-il. Au-delà des publications et de la reconnaissance de ses confrères, Gabriel Carles apprécie les progrès dans la relation avec les parturientes. « Quand je suis arrivé, on m’a dit « Encore un médecin blanc qui vient se faire la main sur les Noirs. » A l’époque, la médecine occidentale n’était pas acceptée. »

Beaucoup de femmes accouchent à la maison. En cas de complication, les hospitaliser est très difficile. La plupart refuse la césarienne. Les prises de sang sont inimaginables. Les examens cliniques très compliqués. En cas d’issue défavorable, le fatalisme l’emporte. « Mon principal challenge a été de gagner la confiance des gens. Ça a marché parce que je suis resté longtemps et parce que je ne suis pas méchant. » Les nuits blanches passées à côté d’une patiente pour lui permettre d’accoucher ont aidé à gagner la confiance. Les premières échographies ont « tout fait basculer : ça m’a transformé en magicien. »

 « Les Hmongs refusaient tout. Aujourd’hui, ils ont une des meilleures espérances de vie »

Dans la société multiethnique du Maroni, comprendre les réticences de chacun n’est pas une sinécure. « J’ai organisé des réunions avec chaque communauté, pour demander à quelles conditions les femmes accepteraient de venir à l’hôpital. » Pendant les trois ans où la frontière est fermée avec le Suriname, il se rend dans les camps de réfugiés. Il se souvient de la réponse que les Hmongs lui font lors d’une rencontre à Javouhey. « Ils refusaient tout. Leurs conditions ont été de fournir un repas particulier, d’éviter les examens, de garder le placenta, de ne pas faire de prise de sang au bébé, de ne pas réaliser d’épisiotomie. » De premières femmes acceptent alors de venir accoucher à l’hôpital. « Tout doucement, ils se sont rendus compte que cela se passait mieux, que moins d’enfants mouraient. En quelques années, tout a changé. C’est aujourd’hui une des communautés qui a la meilleure espérance de vie. »

Celui qui a connu trois hôpitaux – celui du bagne, Franck-Joly en centre-ville et le nouvel hôpital depuis 2018 – constate « les progrès fulgurants » de la santé en Guyane. « L’amibiase, le pian, la typhoïde ont disparu. Le palu quasiment. Les parasitoses digestives ont fortement diminué. Cela m’énerve quand on dit que la Guyane est nulle. Quand j’étais interne, l’hôpital de Cayenne était une catastrophe. Aujourd’hui, la différence avec la Métropole est très limitée. Ma maternité de Saint-Laurent du Maroni est aussi bien équipée que celle d’un CHU de Paris. Les équipements sont les mêmes. On recrute tous les cas graves de la région. Ceux qui ont des maladies compliquées viennent en Guyane. Tous les professeurs qui sont passés à la maternité de Saint-Laurent me disent qu’on a le service de grossesse pathologique le plus important de France. »

Trois hôpitaux et deux déménagements en quarante ans

Dans ce panorama des progrès de la santé en Guyane, Gabriel Carles relève quelques échecs : « Les infections sexuellement transmissibles sont en train de flamber à nouveaux. Nous n’avons pas réussi à réduire les grossesses adolescentes malgré le travail de prévention. Les abus sexuels restent un gros problème, notamment chez les jeunes filles, et ne sont pas réprimés tels qu’ils devraient l’être. »

Au fil de trois hôpitaux et de deux déménagements, il a vu la maternité grossir, même s’il faut « déjà réfléchir pour agrandir » l’actuelle. « J’aimerais que, dans le cadre du futur CHRU, la maternité de Saint-Laurent du Maroni soit un service universitaire. » Le Dr Najeh Hcini, qui lui a succédé, est « brillant. C’est normal de lui passer la main. » Lui n’en sera pas. « On m’a proposé d’être professeur associé. Mais il fallait continuer trois ans de plus. Je n’en avais pas envie. J’ai passé ma vie à Saint-Laurent du Maroni, j’ai 69 ans, il faut que j’en profite. »

Ce « proustolâtre » autoproclamé profite de sa retraite pour rattraper le temps perdu. « Je me suis replongé dans Proust, mais ça ne fera pas toute une vie. » Il a quitté aussi Saint-Laurent pendant deux mois et profite des belles journées pour enfourcher l’une de ses nombreuses motos.

Cet article est issu de la Lettre pro de l’Agence régionale de santé. Vous pouvez vous y abonner en remplissant le formulaire suivant : https://forms.sbc28.com/5a8bed50b85b5350ef1cd117/t13M7zUZQi2XMq5E3DdnhQ/0WQoeDwjRXqJblCpKbLDzA/form.html


At 69, the man nicknamed "Bigi Datra" on the Maroni is retiring. The only doctor in the early 1980s at the Chog maternity hospital, he learned a lot on his own and published numerous scientific articles on pregnancies in tropical areas. Noting the improvements over the decades, he underlines the quality of care provided in French Guiana. And now leaves the keys to motherhood to Dr Najeh Hcini.

It was November 18, the second day of the Amazonian Gynecology-Obstetrics Conference, which brought together around 100 health professionals in a hotel in Cayenne. Among them is the recently retired Dr Gabriel Carles, whose career has been interwoven with the history of the Saint-Laurent du Maroni maternity hospital for more than forty years. Stéphanie Bernard, coordinator of the Périnat network and linchpin of these Amazonian days announce the screening of a film. Dr Anne Favre and "a whole bunch of former interns" follow one another on the screen to pay homage to the one that the inhabitants of Maroni nickname "Bigi Datra", the great doctor.

Tall, he is in size. Also through his professional career in French Guiana, which his relatives told during a ceremony at the Chog and which are summed up by two figures: 300 births per year at the maternity hospital of Saint-Laurent du Maroni upon his arrival in the early 1980s, 3 300 in 2019, a little less last year, the Covid-19 epidemic having undoubtedly postponed some maternity projects.

"Everything changed with the war in Suriname"

“Everything changed with the war in Suriname,” he recalls. In one year, we went from 300 deliveries to 800. ”A resident in Toulouse, he had spent two semesters in French Guiana, from September 1979 to September 1980. He is writing his thesis on anguillulosis. Dr Franck Joly, who has fond memories of him, asks him to come and replace him a few months later. He comes. Goes back to Africa. Dr Joly offered him a post of assistant in pediatric medicine. April 1982: Gabriel Carles drops off his suitcases in Saint-Laurent du Maroni. They will not leave.

The hospital is still in the buildings of the former prison and bears the name of André Bourdon. So it was there that he spent his early years, until 1995 and the construction of the Franck-Joly hospital in the city center. Gabriel Carles is divided between the pediatric medicine department and the maternity ward. "It was a blessed time" for the young doctor he was. The maternity hospital was established in 1983. The health situation is the opposite of what we know today. “We were in the same situation as in Mali. There were epidemics of malaria. One in ten children died in the early days. But these were diseases that could be cured, which was highly valued in the eyes of patients. Today, infant mortality has been divided by seven.

"We must stop constantly criticizing ourselves in French Guiana"

In the maternity ward, he was the only doctor for a long time, as he reminds us in this report from Guyana the 1st. “I was alone on call every day for eight years, from 1984 to 1991. It's unimaginable today. "He buys books, learns alone, meets bosses, especially in Caen" who saw what I was doing and who trained me during my vacation ". Ultrasound, surgery, obstetrics: her knowledge grows as the number of births increases in the West.

Dr. Carles launches into research: “I had a lot of illnesses, I was equipped. We had the same problems as in Africa, but with the means to study them. It allowed me to discover a lot of things and to publish a lot. "He knows the figures by heart: 180 published scientific articles, five books, 35 supervised theses and" 25,000 people who follow my publications ". Undoubtedly the most eloquent figure in his eyes: “We must stop constantly criticizing ourselves in French Guiana. You have to be proud. The knowledge of the Infectious and Tropical Diseases, and Cayenne Dermatology departments is useful to the entire global community. French Guiana, the only country developed in a tropical zone, is an example for the world. What I discovered about malaria is used in Brazil, in Africa. I have the world's largest series on leptospirosis and pregnancy. I am regularly questioned. "

"My main challenge was to gain people's trust"

For thirty years, he traveled to Grand-Santi to offer ultrasounds to pregnant women. In recent years, he has published extensively on zika, dengue, chikungunya, and then Covid-19. In Saint-Laurent, 800 pregnant women had a zika. "But we had less brain damage than elsewhere," he says. Beyond the publications and the recognition of his colleagues, Gabriel Carles appreciates the progress in the relationship with parturients. “When I got there, I was told, 'Another white doctor coming to get his hands on black people. At the time, Western medicine was not accepted. "

Many women give birth at home. In the event of a complication, hospitalizing them is very difficult. Most refuse a cesarean. The blood tests are unimaginable. Very complicated clinical examinations. In the event of an unfavorable outcome, fatalism wins. “My main challenge was to gain people's trust. It worked because I stayed a long time and because I'm not mean. Sleepless nights spent next to a patient to give birth have helped build confidence. The first ultrasounds "changed everything: it turned me into a magician."

 “The Hmong refused everything. Today they have one of the best life expectancies "

In the multi-ethnic society of the Maroni, understanding each other's reservations is no easy task. “I organized meetings with each community, to ask under what conditions the women would agree to come to the hospital. During the three years that the border is closed with Suriname, he goes to the refugee camps. He remembers the response the Hmong gave him when they met in Javouhey. “They refused everything. Their conditions were to provide a special meal, to avoid examinations, to keep the placenta, not to take a blood test on the baby, not to perform an episiotomy. The first women then agree to come and give birth in the hospital. “Slowly, they realized that things were going better, that fewer children were dying. In a few years, everything has changed. It is one of the communities with the best life expectancy today. "

The one who has known three hospitals - that of the penal colony, Franck-Joly in the city center and the new hospital since 2018 - notes "the dazzling progress" of health in French Guiana. “Amebiasis, yaws, typhoid are gone. Almost malaria. Gastrointestinal parasitosis has greatly diminished. It annoys me when they say that French Guiana sucks. When I was an intern, Cayenne Hospital was a disaster. Today, the difference with the Metropolis is very limited. My maternity hospital in Saint-Laurent du Maroni is as well equipped as that of a Paris University Hospital. The equipment is the same. We recruit all the severe cases from the region. Those with complicated illnesses come to French Guiana. All the teachers who have visited Saint-Laurent maternity tell me that we have the most important pathological pregnancy department in France. "

Three hospitals and two moves in forty years

In this panorama of health progress in French Guiana, Gabriel Carles notes some failures: “Sexually transmitted infections are on the rise again. We have failed to reduce teenage pregnancies despite prevention work. Sexual abuse remains a big problem, especially among young girls, and is not punished as it should be. "

Over the course of three hospitals and two moves, he has seen the maternity hospital grow, although you have to "think about it already to expand" the current one. "I would like, within the framework of the future CHRU, the maternity hospital of Saint-Laurent du Maroni to be a university service. "Dr Najeh Hcini, who succeeded him, is" brilliant. It's okay to hand him your hand. "He won't. “I was offered to be an associate professor. But it was necessary to continue for three more years. I didn't want to. I have spent my life in Saint-Laurent du Maroni, I am 69 years old, I must take advantage of it. "

This self-proclaimed “proustolâtre” takes advantage of his retirement to make up for lost time. “I went back to Proust, but it won't last a lifetime. He also left Saint-Laurent for two months and is taking advantage of the beautiful days to get on one of his many motorcycles.

This article is from the Professional Letter of the Regional Health Agency. You can subscribe to it by filling out the following form: https://forms.sbc28.com/5a8bed50b85b5350ef1cd117/t13M7zUZQi2XMq5E3DdnhQ/0WQoeDwjRXqJblCpKbLDzA/form.html
 

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