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Infos citoyennes

13/12/22
Débat sur la fin de vie : « Quand on soulage les patients, la demande d’euthanasie réduit considérablement »

La Première ministre Elisabeth Borne a lancé les travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie, vendredi. Mi-septembre, le Conseil consultatif national d’éthique avait publié un avis sur le sujet. Le Dr François Coisne, chef de pôle médecine interne, infectieuse et tropicale, et médecin de l’unité mobile de soins palliatifs au centre hospitalier de Cayenne, l’a lu et livre son analyse.

 

Pouvez-vous nous présenter le rapport sur la fin de vie, publié par Comité consultatif national d’éthique mi-septembre ?

Le CCNE a déjà publié plusieurs rapports sur le sujet. Celui-ci compte 63 pages très nuancées. Il rappelle que nous avons des lois mal appliquées, des équipes de soins palliatifs sous-dimensionnées et qu’un préalable à toute modification de la loi serait que les professionnels connaissent la loi et l’appliquent. Il ouvre une petite porte à une évolution législative. Il faudrait plus de directives anticipées  et les respecter, sauf exception. La fin de vie peut être bien gérée avec la pratique de la sédation. Quand c’est bien fait, on arrive à gérer ces fins de vie douloureuses.

Où en sont les connaissances de vos confrères ?

Il y a une méconnaissance de l’interdiction de l’obstination déraisonnable. Certains médecins vont jusqu’au bout, sans savoir s’arrêter. Il y a parfois une méconnaissance de la prise en charge de la douleur, même s’il y a eu des progrès. Et parfois une méconnaissance des sédations. Il y a peut-être une timidité dans les doses. Nous avons une mission de formation. Mais avec l’augmentation de l’activité, nous avons du mal à l’assurer.

Quelles situations posent des difficultés aujourd’hui ?

L’exemple-type, c’est la sclérose latérale amyotrophique ou maladie de Charcot. Certains patients peuvent demander à finir la vie. Dans ma pratique, ce n’est pas arrivé. Là, se pose la question de l’aide active à mourir ou du suicide assisté. Se pose un problème d’égalité : les personnes encore valides peuvent se suicider. Pas les personnes grabataires.

Où cela se pratique-t-il ?

Les pratiques sont très différentes selon les pays. Par exemple dans l’état d’Orégon aux USA, il existe une « aide médical à mourir » pour les malades en phase terminale ayant moins de six mois à vivre. Le médecin prescrit un médicament que seul le patient peut lui-même s’auto-administrer. En pratique, la moitié ne l’utilisent pas, ce qui interroge sur les demandes.

Le rapport propose d’abord de développer les soins palliatifs et s’oppose à l’euthanasie. En quoi le suicide assisté est-il différent ?

Dans l’euthanasie, ce qu’on appelle plutôt aide active à mourir, c’est le médecin qui fait l’acte. Dans le suicide assisté, il prescrit un médicament que le patient prendra lui-même. Ceux qui demandent l’euthanasie, ce sont les bien-portants. Plus on se rapproche de la mort et moins on la demande. Dans certains sondages, 96 % des personnes interrogées demandent l’euthanasie. Dans d’autres, 35 %. Tout dépend de la manière dont on pose la question. Une étude dans des unités de soins palliatifs montre qu’à l’entrée, 3 % des patients demandent l’euthanasie. Ce pourcentage tombe ensuite à 0,3 %. Quand on soulage les gens, le nombre de demande se réduit considérablement. Ici, avec le millier de patients que l’on a vus, à l’hôpital, en clinique, en Ehpad, à domicile, nous n’avons pas eu de demande d’euthanasie. Ce qu’on voit, en revanche, ce sont des patients qui demandent à ce que l’on arrête les traitements et qu’on les soulage. C’est aussi une interrogation des équipes : jusqu’où s’obstine-t-on ?

Comment tranchez-vous cette question ?

Avec les discussions éthiques. Ce sont des décisions collégiales très cadrées par la loi. C’est souvent le médecin qui initie la discussion. Il doit demander l’avis d’au moins un autre médecin. Ici, nous le faisons avec un médecin extérieur au service et avec l’équipe qui entoure le patient. Nous regardons s’il y a des directives anticipées et nous demandons à la famille si elle sait ce qu’est la volonté de son proche. Ensuite, on en parle au patient. S’il ne peut pas exprimer un avis, on en parle à la famille, de façon à lui permettre de contester la décision en justice. Au cours des neuf premiers mois de l’année, nous avons eu environ 180 discussions éthiques. C’est quasiment quotidien. Nous ne sommes pas toujours d’accord. Quelques fois, nous n’arrivons pas à un consensus. Mais cela se passe toujours dans un climat qui est très sain.

Quelle proportion de vos patients ont fait connaître leurs directives anticipées ?

C’est très rare. On le propose à certains patients, en fonction des maladies. Il y a des maladies dont on connaît l’évolution. Dans ce cas, c’est très pertinent de réfléchir avec eux : si vous êtes amenés à ne plus manger ou à respirer avec difficulté, que voulez-vous que l’on fasse pour vous ? Il faudrait une campagne grand public si on souhaitait en avoir davantage .

Vos confrères libéraux sont-ils sensibilisés à cette question ?

Un médecin généraliste voit peu de situation de ce type-là. Statistiquement, un médecin de ville, même dans l’Hexagone, voit peu de patients en soins palliatifs. C’est quelque chose qui est long à faire, difficile à aborder. Etant donnée la pénurie de médecins en Guyane, je comprends que ça puisse être difficile.

A l’hôpital, comment se passe ce recueil des directives anticipées ?

Le message est diffusé dans les services. On incite les médecins à faire la démarche. Il y a le moment pour le faire. C’est un peu intuitif. La solution serait de faire comme la loi le prévoit : demander à chaque patient entrant à l’hôpital. C’est une obligation de demander au patient s’il a une personne de confiance, s’il a des directives anticipées et s’il souhaite en faire. Il existe des procédures mais il y a tellement de choses à faire, l’obstacle de la langue, que c’est difficile. Et parler de sa mort, c’est compliqué.

Pouvez-vous rappeler le principe de la personne de confiance ?

Dans les textes, la personne de confiance est celle qui va témoigner de ce qu’avait dit le patient avant, quand il pouvait s’exprimer. Elle peut également assister aux consultations, par exemple quand un patient ne comprend pas très bien. Mais elle n’a pas de rôle décisionnaire. Ni les familles. C’est ce que dit la loi. Mais dans les faits, ici comme en Métropole, c’est différent.

On entend souvent parler des familles quand celles-ci se déchirent. Qu’en est-il dans votre pratique ?

On peut tout voir : une opposition formelle à l’arrêt des soins, une demande d’arrêt des soins, des avis divergents. La pratique, c’est d’essayer de convaincre tout doucement la famille. Surtout pas d’aller devant la justice, auquel cas les liens sont rompus.

Sollicitez-vous souvent les familles ?

C’est le cas pour les enfants, pour les patients de réanimation, de gériatrie et victime d’AVC. En cancérologie et dans d’autres disciplines, le patient reste souvent conscient jusqu’au bout.

Le rapport préconise d’appliquer la loi existante, de développer les soins palliatifs… Y a-t-il des choses engagées ?

Cela fait très longtemps que l’on parle du développement des soins palliatifs. Mais tous les rapports montrent que ça n’avance pas très vite. Ici, nous n’avons pas d’unité de soins palliatifs. Avec quatre professionnels de santé dans l’unité mobile de soins palliatifs du centre hospitalier de Cayenne (un médecin, une psychologue et deux infirmières), nous sommes dimensionnés pour 200 patients. Cette année, nous arriverons sans doute à 550 personnes. Nous nous déplaçons dans l’Île-de-Cayenne et à Kourou : dans les hôpitaux, cliniques, Ehpad, à domicile. Mais nous ne pouvons pas aller à Saint-Laurent. Nous avons un collègue là-bas qui s’en occupe, en plus de son travail. L’idée serait de créer une petite équipe là-bas.

Comment se positionnent les professionnels de santé dans ce débat ?

C’est une question très importante : quel sera l’avis des soignants si on leur demande de pratiquer l’aide active à mourir ? Le président du conseil national de l’Ordre des médecins s’est exprimé. https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/ethique/aide-active-mourir-le-medecin-accompagnateur-surement-effecteur-ce-nest-pas-son-role-selon-le Il y a une enquête de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap). https://www.sfap.org/actualite/fin-de-vie-soignants-et-benevoles-refusent-d-etre-les-acteurs-de-la-mort-administree Nous avons la loi, nos organisations. Reste la question des moyens. Je ne suis pas sûr qu’ici, il y ait une demande d’évolution législative. Les travaux de la commission commencent tout juste. Il faut attendre ça, puis les projets de loi.

Craignez-vous des dérives ?

S’il y a une évolution de la loi, ce sera hyper cadré. En Belgique, c’est cadré mais… J’ai lu que des personnes âgées vont en Ehpad en Allemagne de peur de se faire euthanasier contre leur gré. Il y a deux fois plus d’euthanasies côté flamand que côté wallon. Il y a un aspect culturel. Le contrôle est réalisé a posteriori. Sur les 25 000 euthanasies, il y a eu une remarque du comité de surveillance. Un écrivain célèbre a demandé l’euthanasie parce qu’il était juste vieux. Il y a des demandes d’euthanasie par des personnes souffrant d’Alzheimer, d’un syndrome dépressif. Une dépression, c’est curable. C’est ce genre de dérives qui interroge. Il y a aussi des personnes dont on pense que leur vie ne vaut pas la peine d’être vécue : des personnes démentes, grabataires… Elles continuent à vivre. On a plus de difficultés avec les personnes qui demandent à vivre alors qu’on ne peut plus rien qu’avec celles qui demandent à mourir. Je pense que quelque chose va passer, même si ce sera très restreint, car il y a une grosse pression. Les patients demandent à vivre et les biens portants demandent à pouvoir mourir. Un sondage, il y a une dizaine d’années, montrait que plus on est vieux, plus on pense que l’euthanasie peut subir des dérives. Les jeunes demandent l’euthanasie et les plus de 60 ans veulent être bien soignés. On a des représentations de la vieillesse, de la dépendance…


 

Prime Minister Elisabeth Borne launched the work of the Citizens' Convention on the end of life on Friday. In mid-September, the National Advisory Council on Ethics published an opinion on the subject. Dr François Coisne, head of the internal, infectious and tropical medicine division, and doctor of the mobile palliative care unit at the center hospital of Cayenne, read it and delivers its analysis.

 

Can you introduce us to the end-of-life report, published by the National Ethics Advisory Committee in mid-September?

CCNE has already published several reports on the subject. This one has 63 very nuanced pages. He reminds us that we have badly applied laws, undersized palliative care teams and that a prerequisite for any modification of the law would be that professionals know the law and apply it. It opens a small door to a legislative evolution. We need more advance directives  and respect them, with some exceptions. The end of life can be well managed with the practice of sedation. When it's done well, we manage to manage these painful end of life.

How good are your colleagues?

There is a misunderstanding of the prohibition of unreasonable obstinacy. Some doctors go all the way, without knowing when to stop. There is sometimes a lack of knowledge about pain management, even if there has been progress. And sometimes a lack of knowledge of sedation. There may be a timidity in the doses. We have a training mission. But with the increase in activity, we find it difficult to ensure it.

What situations pose difficulties today?

The typical example is amyotrophic lateral sclerosis or Charcot's disease. Some patients may ask to end life. In my practice, this has not happened. This raises the question of active assistance in dying or assisted suicide. There is a problem of equality: people who are still able-bodied can commit suicide. Not bedridden people.

Where is it practiced?

Practices are very different depending on the country. For example in the state of Oregon in the USA, there is a "medical assistance in dying". for terminally ill patients with less than six months to live. The doctor prescribes a drug that only the patient can self-administer. In practice, half do not use it, which raises questions about requests.

The report first proposes developing palliative care and opposes euthanasia. How is assisted suicide different?

In euthanasia, what is rather called active aid in dying, it is the doctor who performs the act. In assisted suicide, he prescribes a drug that the patient will take himself. Those who ask for euthanasia are the healthy. The closer we get to death, the less we ask for it. In some polls, 96% of people asked for euthanasia. In others, 35%. It all depends on how you ask the question. A study in palliative care units shows that on admission, 3% of patients request euthanasia. This percentage then drops to 0.3%. When we relieve people, the number of requests is reduced considerably. Here, with the thousand patients we have seen, at the hospital, in the clinic, in nursing homes, at home, we have not had a request for euthanasia. What we see, on the other hand, are patients who ask that we stop the treatments and that we relieve them. It is also a question of the teams: how obstinate do we persist?

How do you decide this question?

With ethical discussions. These are collegial decisions very framed by law. It is often the doctor who initiates the discussion. He must seek the advice of at least one other doctor. Here, we do it with a doctor outside the service and with the team surrounding the patient. We look for advance directives and ask the family if they know what their relative's wishes are. Then we talk to the patient about it. If he cannot express an opinion, we talk to the family about it, so that he can challenge the decision in court. In the first nine months of the year, we had approximately 180 ethics discussions. It's almost daily. We don't always agree. Sometimes we don't come to a consensus. But it always happens in a climate that is very healthy.

What proportion of your patients have made their advance directives known?

It's very rare. It is offered to certain patients, depending on the disease. There are diseases whose evolution is known. In this case, it is very relevant to think with them: if you have to stop eating or have difficulty breathing, what do you want us to do for you? It would take a mainstream campaign if we wanted more of it.

Are your fellow Liberals sensitized to this issue?

A general practitioner sees few situations of this type. Statistically, a city doctor, even in France, sees few patients in palliative care. It is something that is long to do, difficult to approach. Given the shortage of doctors in Guyana, I understand that it can be difficult.

At the hospital, how is this collection of advance directives going?

The message is broadcast in the services. Doctors are encouraged to do so. There is time to do it. It's a bit intuitive. The solution would be to do as the law says: ask every patient entering the hospital. It is an obligation to ask the patient if he has a trusted person, if he has advance directives and if he wishes to give them. There are procedures but there are so many things to do, the language barrier, that it is difficult. And talking about his death is complicated.

Can you recall the principle of the trusted person?

In the texts, the trusted person is the one who will testify to what the patient had said before, when he could express himself. She can also attend consultations, for example when a patient does not understand very well. But she has no decision-making role. Nor the families. That's what the law says. But in reality, here as in Metropolitan France, it is different.

We often hear about families when they are torn apart. How about in your practice?

We can see everything: a formal opposition to the cessation of care, a request for cessation of care, divergent opinions. The practice is to try to gently convince the family. Especially not to go to court, in which case the links are broken.

Do you often solicit families?

This is the case for children, for intensive care patients, geriatrics and stroke victims. In oncology and other disciplines, the patient often remains conscious until the end.

The report recommends to apply the existing law, to develop palliative care… Are there things committed?

We have been talking about the development of palliative care for a very long time. But all the reports show that it is not moving very quickly. Here we do not have a palliative care unit. With four health professionals in the mobile palliative care unit of the Cayenne hospital center (a doctor, a psychologist and two nurses), we are sized for 200 patients. This year, we will probably reach 550 people. We travel to Île-de-Cayenne and Kourou: in hospitals, clinics, nursing homes, at home. But we can't go to Saint-Laurent. We have a colleague there who takes care of it, in addition to his work. The idea would be to create a small team there.

How do healthcare professionals position themselves in this debate?

This is a very important question: how will caregivers feel if they are asked to practice active assistance in dying? The President of the National Council of the College of Physicians spoke. https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/ethique/aide-active-mourir-le-medecin-accompanies-surement-effecteur-ce-nest-pas-son-role-selon-le There is an investigation of the French Society for Support and Palliative Care (Sfap). https://www.sfap.org/actualite/fin-de-vie-soignants-et-benevoles-refusent-d-etre-les-acteurs-de-la-mort-administere We have the law, our organisations. The question of resources remains. I am not sure that there is a demand for legislative change here. The work of the commission is just beginning. We have to wait for that, then the bills.

Are you worried about drifts?

If there is a change in the law, it will be very framed. In Belgium, it's framed but... I've read that elderly people go to nursing homes in Germany for fear of being euthanized against their will. There are twice as many euthanasia cases on the Flemish side as on the Walloon side. There is a cultural aspect. The control is carried out a posteriori. Of the 25,000 euthanasias, there was a comment from the oversight committee. A famous writer asked for euthanasia because he was just old. There are requests for euthanasia by people suffering from Alzheimer's, a depressive syndrome. Depression is curable. It is this kind of drift that raises questions. There are also people whose life is thought not to be worth living: people who are demented, bedridden... They go on living. We have more difficulties with people who ask to live when we can do nothing more than with those who ask to die. I think something will pass, even if it will be very limited, because there is a lot of pressure. The patients ask to live and the healthy ask to be able to die. A survey, ten years ago, showed that the older you are, the more you think that euthanasia can suffer abuses. Young people ask for euthanasia and those over 60 want to be well cared for. We have representations of old age, dependency...

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