Début 2024, l’Organisation panaméricaine de la santé avait lancé une alerté sur la circulation du virus Oropouche dans les Amériques. Celle-ci s’était révélée particulière par rapport aux précédents épisodes, comme l’a rapporté le Pr Loïc Epelboin, aux récentes Journées nationales d’infectiologie. En août 2024, Santé publique France jugeait élevé le risque d’émergence en Guyane, ce qui finalement ne s’est pas réalisé jusque-là, tandis que l’épidémie reflux ailleurs sur le continent. En mai, lors du séminaire annuel du Club veille et sécurité sanitaire, le Dr Francky Mubenga a toutefois souligné l’importance de rechercher d’autres arbovirus que les seules dengue, chikungunya et zika. De son côté, l’Institut Pasteur recherche régulièrement les orthobunyavirus, dont fait partie Oropouche, dans le cadre de la surveillance Sentinelle.
Que ce soit aux Journées nationale d’infectiologie, mi-août à Tours (Indre-et-Loire) ou au séminaire annuel du Club de veille et sécurité sanitaire, fin mai à Paris, le virus Oropouche s’invite régulièrement dans les discussions. Le 12 juin, Santé publique France a publié une analyse du risque d’émergence du virus Oropouche en Guyane et aux Antilles. Elle avait été réalisée en août 2024 puis actualisée en décembre, en raison de l’épidémie sévissant sur le continent.
Cette analyse avait été initiée en 2020, après la détection par l’Institut Pasteur de trente cas chez des habitants de Saül. Ce travail avait été mis en pause en raison de l’épidémie de Covid-19, mais une première publication était intervenue dans la revue Emerging Infectious Diseases en 2021. Il a été réactivé en raison de l’épidémie de 2023-2024.
En août 2024, Santé publique France avait alors analysé plusieurs facteurs de risque :
Santé publique France soulignait alors : « Le risque d’épidémie dépend de la combinaison entre le risque d’occurrence de cas sporadiques avec le risque que des vecteurs anthropophiles suffisamment compétents soient présents. » L’agence estimait alors « élevé » le risque d’épidémie tant dans l’intérieur que sur le littoral. Elle soulignait toutefois que « l’analyse de ce risque pouvait être amenée à évoluer, en fonction de la situation épidémique en Amérique Latine, de la survenue de cas (en zone Intérieur) et de l’évolution des connaissances scientifiques. » Finalement, la Guyane ne sera pas touchée. Depuis, l’épidémie est en reflux ailleurs sur le continent.
« Rechercher les autres virus que la dengue »
Les 22 et 23 mai, le Centre de crises sanitaires (CCS) a accueilli les représentants du Club de veille et sécurité sanitaires des ARS pour un séminaire de travail. Au-delà du lien quotidien entre le CSS et les ARS pour la préparation et la gestion des crises, ce réseau se réunit régulièrement pour favoriser les échanges. La rencontre a été ouverte par le Pr Yazdan Yazdanpanah, directeur général de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes, et Evan Malczyk, conseiller veille et sécurité sanitaire au ministère de la Santé.
Le Dr Francky Mubenga, responsable du pôle veille et sécurité sanitaire à l’ARS Guyane, est intervenu avec son homologue de Guadeloupe, Patrick Saint-Martin, sur la gestion des arboviroses émergentes. Ils ont mis en avant les spécificités de nos territoires, notamment en matière de risque d’émergence et de réémergence des arboviroses, et l’intérêt d’une association des Antilles et de la Guyane dans leur gestion.
En dehors des épidémies cycliques de dengue, qui sont connues, ils ont rappelé la récente épidémie d’Oropouche dans les Amériques, la détection du premier cas humain de West Nile en Guadeloupe l’an dernier, le retour du chikungunya dans l’océan Indien, les détections du virus Mayaro en Guyane dans le cas de la surveillance Sentinelle, un cas de fièvre jaune vaccinal et quatre cas d’orthobunyavirus (Oropouche) en 2024.
En 2025, outre les cas de dengue, le CNR Arbovirus de l’Institut Pasteur de Guyane a signalé à l’ARS trois cas de chikungunya (tous importés de La Réunion), trois cas d’orthobunyavirus. « Sur un territoire comme la Guyane où la dengue est endémique, nous savons que d’autres arbovirus circulent, met en garde le Dr Mubenga. Il faut les rechercher. Le risque d’émergence et de réémergence est important chez nous. Cela nécessite une veille renforcée et spécifique, avec la recherche d’un autre virus que la dengue, le zika et le chikungunya, à chaque fois que les conditions sont réunies. Cette surveillance à visée d’alerte permettra aux autorités d’anticiper les émergences et de les gérer de manière efficace. Nous travaillons actuellement avec les laboratoires, Santé publique France et l’UMIT territoriale pour optimiser et relancer notre dispositif de surveille des arbovirus en Guyane (DiSArbo973). »
Une dizaine de sujets guyanais, dont Oropouche, présentés aux JNI
Les Journées nationales d'infectiologie se sont déroulées du 11 au 13 juin, à Tours (Indre-et-Loire). Le CHU de Guyane a été très bien représenté, avec plusieurs communications et posters, notamment sur :
• Le projet Curema
• L'histoplasmose
• La leptospirose
• La fièvre Q
• La couverture vaccinale antiCovid
• La leucémie/lymphome à cellules T
• Le VIH
• La rage
• Les infections chez les greffés rénaux
Le Pr Loïc Epelboin, infectiologue au CHU, est revenu sur « l’épidémie inattendue » du virus Oropouche en Amérique latine en 2023 et 2024. Depuis le premier cas détecté à Trinité-et-Tobago en 1955, plusieurs épidémies se sont produites sur le territoire. Le Brésil en a connu une dizaine jusqu’en 2020, tant en zones urbaines que rurales, sans décès rapporté.
En février 2024, l’Organisation panaméricaine de la santé (Paho) lance une alerte épidémique, constatant « une hausse des détections de fièvre Oropouche au cours des derniers mois, dans certaines régions des Amériques ». Le Brésil déclarera ainsi 13 785 cas confirmés l’an dernier, le Pérou 1 263. Plus loin, le Guyana en recensera trois.
Pour le Pr Epelboin, les moteurs de cette flambée sont multiples :
L’épidémie débutée en 2023 se distingue également par plusieurs particularités :
Autant d’aspects qui incitent à la surveillance de ce virus.
A l'Institut Pasteur, les orthobunyavirus surveillés en continu
Le virus Oropouche fait partie des orthobunyavirus. On sait depuis les années 1960 qu’ils circulent en Guyane. Le centre national de référence des arbovirus, à l’Institut Pasteur, a développé des outils de diagnostic moléculaire pour pouvoir les surveillés. Dans le cadre de la surveillance Sentinelle, des échantillons de sérums négatifs à la dengue chez des personnes en présentant des symptômes dengue-like sont donc régulièrement testés pour d’autres arbovirus, dont les orthobunyavirus. L’an dernier, lors des Assises guyanaises d’infectiologie et médecine tropicale (Agit) puis dans un article de Médecine et Maladies infectieuses formations, publié en décembre, le CNR présente les résultats pour les 944 échantillons prélevés entre septembre 2022 et novembre 2023. Douze échantillons se sont révélés positifs aux orthobunyavirus.
Ces résultats « témoignent d'infections sans lien épidémiologique entre elles et largement réparties sur le département. Toutefois, une notion d'exposition nocturne ou en soirée, en zone forestière ou périurbaine, a été retrouvée » dans les onze cas renseignés. L’Institut Pasteur constate également « une diversité génétique importante ». Les auteurs jugent « urgent de poursuivre le développement d'outils de diagnostic appropriés afin d'améliorer nos connaissances encore trop limitées sur ces virus ».
Les recommandations aux voyageurs
En novembre, le Haut Conseil de la Santé publique a émis des recommandations aux personnes se rendant en zone à risque de transmission ou siège d'une épidémie avérée, en particulier pour les femmes enceintes ou susceptibles de le devenir :
Les mêmes recommandations de protection personnelle antivectorielle dans les zones à risque sont émises pour les autres voyageurs.
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