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Infos citoyennes

15/07/25
Cardiopathies ischémiques, insuffisance cardiaque, AVC : quelle est la situation en Guyane

Santé publique France a publié un bulletin sur les dernières données concernant les maladies cardio-neurovasculaires. Il confirme que la Guyane demeure le deuxième département le plus touché par les accidents vasculaires cérébraux. L’insuffisance cardiaque y est plus fréquente qu’au niveau national, notamment chez les jeunes, alors que les cardiopathies ischémiques sont plus rares. Les données révèlent des disparités au sein du territoire. Certains des facteurs de risque sont particulièrement élevés en Guyane : hypertension artérielle, diabète, obésité...

En Guyane, comme ailleurs en France, les cardiopathies ischémiques, accidents vasculaires cérébraux et insuffisances cardiaques, sont des causes importantes de morbi-mortalité. Santé publique France (SpF) vient de publier un bulletin régional consacré à ces pathologies chez les majeurs. Comme au niveau national, « elles constituent l’une des principales causes de mortalité chez les moins de 65 ans. Elles sont en outre plus fréquentes que les causes d’origine infectieuse », souligne SpF. Un article sur les chiffres nationaux, publié en mars dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire, donne des éléments de comparaison intéressants.

Le Pr Mathieu Nacher et une équipe de chercheurs du CHU avaient décrit cette transition épidémiologique dans un article d’avril 2023 (lire la Lettre pro du 28 avril 2023). Consacrée à une période plus longue (2001-2021), leur étude montait que, « globalement, tout s’améliore. Et vite !, soulignait le Pr Nacher. Entre 2001 et 2017, on voit que les progrès sont considérables pour les AVC, le diabète, les traumas, les infections ». Mais leurs travaux montraient que « tout ça est fragile ». Le bulletin de Santé publique France est davantage une photographie, sur la période 2020-2023.

Moins de cardiopathies ischémiques

Avec 322 hospitalisations pour 100 000 habitants chaque année en Guyane, « la proportion de personnes hospitalisées pour la prise en charge d’une cardiopathie ischémique était moins élevée qu’au niveau national (459 pour 100 000) entre 2021 et 2023 », note SpF. Ce chiffre est standardisé sur l’âge et le sexe, ce qui permet de comparer les résultats de la Guyane, dont la population est plus jeune, avec le reste du territoire.

« La proportion de personnes vivant avec cette pathologie ainsi que les décès causés par celle-ci étaient également plus faibles. » En Guyane, 3,7 % des habitants étaient concernés par la pathologie en 2022, soit qu’ils aient été nouvellement diagnostiqués, soit qu’ils soient déjà connus. Au niveau national, cette proportion était de 5,5 %.  Avec 27 décès en moyenne chaque année, entre 2020 et 2022, son poids est aussi moindre qu’ailleurs. Cela représente 2,2 % des décès en Guyane.

A l’intérieur du territoire, l’Est guyanais et les Savanes sont les secteurs les plus touchés par la cardiopathie ischémique. Mais c’est dans l’Agglomération cayennaise et les Savanes qu’elle pèse le plus en termes de décès. Ces chiffres étant faibles, ils sont à manier avec prudence. Les hommes (8 % de prévalence) sont plus de deux fois plus touchés que les femmes (3,4 %). Cette prévalence grimpe dès la tranche 65-84 % (une personne sur dix concernée contre 2,3 % chez les 45-64 ans).

Insuffisance cardiaque : un fardeau plus important en Guyane, surtout chez les jeunes

« Contrairement aux cardiopathies ischémiques, l’insuffisance cardiaque constitue un fardeau de santé plus important en Guyane qu’au niveau national », souligne SpF. Les niveaux de nouvelles hospitalisations sont toutefois proches : 360 pour 100 000 habitants en Guyane contre 344 pour 100 000 de moyenne nationale.

Le nombre de personnes atteintes d’une insuffisance cardiaque est également plus élevé chez nous : 3 % de la population est concernée contre 2,5 % au niveau national. L’insuffisance cardiaque pèse toutefois moins lourd en termes de décès, en Guyane. De 2020 à 2022, 22 décès ont été recensés en moyenne chaque année. « Une des explications serait que les personnes atteintes d’insuffisance cardiaque en Guyane décèdent d’une autre cause », avance Santé publique France.

A l’intérieur du territoire, les Savanes sont plus touchées que les autres secteurs. Les hommes (3,2 % de prévalence) sont un peu plus atteints que les femmes (2,9 %). L’insuffisance cardiaque concerne également une personne de plus de 85 ans sur cinq (20,7 %) contre 7 % chez les 65-84 ans.

On constate aussi que les Guyanais sont touchés beaucoup plus jeunes qu’ailleurs en France :

  • En Guyane, les 18-44 ans sont deux fois plus touchés qu’au niveau national : la prévalence est de 0,2 % chez nous contre 0,1 % qu’en France entière ;
  • On compte moitié plus d’insuffisants cardiaques chez nous qu’au niveau national, tant chez les 45-64 ans (1,7 % contre 1,1 %) que chez les 65-84 ans (7 % contre 5,1 %) ;
  • Les plus de 85 ans sont moins touchés en Guyane qu’au niveau national : 20,7 % contre 23,7 %.

Les AVC à l’origine de 6 % des décès ; une dynamique défavorable dans l’Ouest

Le poids des accidents vasculaires cérébraux en Guyane est décrit depuis longtemps. Ils sont responsables de 6 % des décès. La Guyane est le deuxième département où ils provoquent le plus d’hospitalisations. L’incidence annuelle (364 hospitalisations pour 100 000 habitants) est sans commune mesure avec la moyenne nationale (231 pour 100 000). En 2022, 2 951 personnes vivant en Guyane avaient déjà fait un AVC. Cela représente 1,7 % de la population en chiffre brut, du fait de la jeunesse de la population guyanaise. A structure d’âge et de sexe comparable au reste de la France, cette prévalence serait de 3,3 %, soit bien davantage que la moyenne nationale (2 %).

Tous les secteurs de la Guyane sont touchés mais « l’Ouest guyanais semble plus particulièrement dans une dynamique défavorable concernant cette pathologie ». Les chiffres « suggèrent une progression récente des AVC dans ce secteur alors que la démographie augmente », souligne SpF. Chez les plus de 85 ans, une personne sur six (16,7 %) a déjà fait un AVC. C’est deux fois plus que chez les 65-84 ans (8,2 %) et huit fois plus que chez les 45-64 ans (2,1 %).

De nombreux facteurs de risque en Guyane

« Le poids important des maladies cardio-neurovasculaires est lié en grande partie à la prévalence élevée de leurs facteurs de risque, explique Santé publique France. En plus des facteurs de risques non modifiables comme le sexe et l’âge, les principaux facteurs de risque des maladies cardio-neurovasculaires sont le tabagisme, l’alimentation déséquilibrée, l’inactivité physique, la sédentarité, le surpoids, l’obésité, le diabète, l’hypertension artérielle, les dyslipidémies, la consommation d’alcool et les troubles du sommeil. La maladie rénale chronique, la consommation de drogues, la dépression, les désordres hypertensifs de la grossesse, les maladies hormonodépendantes et des facteurs environnementaux, comme la pollution atmosphérique, ont également été identifiés comme facteurs de risque de maladies cardiovasculaires. »

Certains de ces facteurs de risque sont particulièrement présents en Guyane et plus élevés qu’au niveau national :

  • L’hypertension artérielle touche 23 % de la population ;
  • Le diabète, 12 % ;
  • L’obésité, 16 % des hommes et 25 % des femmes.

Si la consommation d’alcool et de tabac est moindre chez nous, l’alimentation y est souvent moins variée qu’ailleurs. Un autre facteur qui pèse défavorablement pour ces pathologies.

Pr Jocelyn Inamo, chef de service de cardiologie du CHU : « Le poids à payer de l’insuffisance cardiaque est plus élevé en Guyane »

Tous ces chiffres ne surprennent pas le Pr Jocelyn Inamo, chef de service de cardiologie du CHU. « S’agissant des cardiopathies ischémiques et de la mortalité qui en découle, ce qu’on observe correspond à ce qu’on savait déjà : c’est beaucoup plus faible aux Antilles-Guyane que dans l’Hexagone. Trois ou quatre éléments peuvent expliquer ce constat déjà ancien :

  • « La consommation tabagique a toujours été extrêmement faible aux Antilles-Guyane ;
  • « L’obésité et le diabète sont très élevés mais pas au point de d’inverser l’équilibre. Il ne faut donc pas chanter cocorico ;
  • « Les Antilles sont ce qu’on appelle une zone bleue, c’est-à-dire une zone avec beaucoup de centenaires. Il se peut qu’on dresse le même constat quand la population de Guyane vieillira. Mais si ces centenaires souffrent moins de cardiopathies ischémiques, ils font autant d’infarctus que la population générale, sont aussi diabétiques et aussi hypertendus. Un jour, on comprendra ; 
  • Enfin, il se pourrait qu’il y ait un paradoxe antillo-guyanais lié à la nourriture ou autre chose qui pourrait être un facteur protecteur vis-à-vis des cardiopathies ischémiques, malgré nos taux désastreux d’obésité et de diabète. On ne l’a pas encore très clairement explicité », reconnaît-il.

Pour ce qui est de l’insuffisance cardiaque, « tous les indicateurs épidémiologiques étaient dans le rouge au niveau mondial, il y a une vingtaine d’années, se souvient le Pr Inamo. On nous annonçait une épidémie de maladies cardiovasculaires. Vers 2015-2017, on a constaté que l’épidémie arrivait et ce fut une déferlante. Jusque-là, tous les cardiologues faisaient un peu d’insuffisance cardiaque. Désormais, c’est devenu un champ majeur de la spécialité, avec des spécialistes qui ne font que ça. Cela est dû au vieillissement de la population, qui laisse le temps aux facteurs de risque de provoquer l’insuffisance cardiaque. En Martinique, l’insuffisance cardiaque est une maladie de gériatre. En Guyane, il y a probablement des raisons très locales qui font que les facteurs de risque sont différents de ce qu’ils sont ailleurs. Cela produit un poids à payer plus important que ce qu’il devrait être. Ces chiffres correspondent à nos constats. Le fait que l’insuffisance cardiaque touche davantage de jeunes, c’est une réalité que nous partageons au quotidien avec nos collègues de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane. Nous avons une maladie probablement très particulière aux Antilles-Guyane, qui fait qu’elle atteint des sujets plus jeunes et plus nombreux. »

« Avec les AVC, nous explosons les compteurs, déplore le Pr Inamo. Nous savons pourquoi : hypertension et autres facteurs de risques. La situation devient désastreuse aux Antilles, essentiellement parce que la population vieillit. On prend mieux en charge la pathologie coronaire ; les patients vivent plus longtemps et font des AVC. En Guyane, ce poids des AVC n’est pas un effet du vieillissement mais du poids de l’hypertension artérielle. La maladie est fréquente, grave et nous en payons le prix. La Guyane prend la même direction que les Antilles mais les moteurs sont différents et donc la prise en charge doit être totalement différente. En Guyane, il faut travailler dans l’insuffisance coronarienne. Pour les AVC, il faut reprendre le métier à la base, travailler nos connaissances de l’hypertension artérielle. »

 

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