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John Lie-A-Fo, artiste pro et rebelle

 

« Tu ne peux pas te tromper, quand tu prends le chemin de terre Morne Coco à Remire, bordé de bidonvilles planqués derrière des tôles et des épaves rouillées, tu arrives à un hâvre de paix verdoyant avec une boite aux lettres rouge. »



C’est là que ce sexagénaire aux allures de jeune homme, célèbre artiste à la démarche singulière, réside depuis près de 20 ans. John Lie-A-Fo a défriché ses 2500 m2, creusé un puit, construit sa maison en bois, et aménagé un somptueux jardin. Pour Maria, dit-il, elle s’y plait beaucoup. Et John y a construit son atelier, point de départ d’une oeuvre célèbre au Surinam et aux Pays-Bas.

A l’occasion de sa soixantième année, John Lie-A-Fo a installé une rétrospective de son œuvre dans son atelier de la BP134 : Peinture à l’huile, gravures, sérigraphies, gouache, crayons, céramiques, collages, sculptures, etc, toutes les facettes d’un artiste complet permettent de découvrir, à travers un long cheminement, un véritable combat pour s’approprier et faire reconnaître sa culture. « Ma culture, celle que j’ai dans le cœur », lance Lie-A-Fo en se donnant un grand coup de poing dans la poitrine.

L’homme est ainsi, il veut convaincre sans chercher à séduire, habité de profondes convictions, sa parole est vigoureuse comme sa peinture, son corps tout entier accompagne son discours, il tangue à droite, à gauche, un pas en avant ou les genoux fléchis et les bras levés, il raconte comment il a dû, après des années de conformisme, d’éducation aux normes européennes et académiques, travailler pour retrouver cette part de lui-même qui l’attache à son pays d’origine, le Surinam, et plus largement au plateau des Guyanes. Au-delà de la stricte éducation reçue de ses parents, eux-mêmes originaires de Chine et de Java, c’est dans la culture amérindienne et noir marron qu’il a puisé toute la force impressionnante de son art.

John Lie-A-Fo, l’enfant des tropiques

A 15 ans, il quitte le Surinam, où il est né un 15 juin de l’année 1945, pour tenter sa chance en Europe comme musicien. En 1966, il rencontre Maria - sa compagne de toujours avec qui il aura deux enfants - alors danseuse de ballet à Amsterdam. Ils s’installent ensemble en Belgique. A Anvers, puis à La Haye, John Lie-A-Fo s’inscrit à l’Académie Royale des Beaux-Arts. A partir de 1970, il se consacre exclusivement à la peinture et la sculpture.

C’est dans les années 70 qu’il prend la mesure de toute la richesse de la culture surinamaise, à travers les collections du Musée des Tropiques d’Amsterdam, une véritable révélation, dit-il, lorsqu’il découvre l’écriture Afaka, cet alphabet que l’on dit inventé dans une geôle au début du siècle dernier, par Afaka, un noir marron, une nuit que passait la comète de Haley. Acte de marronage à part entière, cette écriture aurait longtemps servi aux prisonniers à communiquer entre eux, à la barbe des geôliers.

En 1978, John Lie A Fo décide de retourner vivre à Paramaribo avec sa famille (le Surinam est indépendant depuis 1975), où il jouera un rôle important dans la politique culturelle de son pays, jusqu’au coup d’état militaire. Mais les régimes autoritaires se succèdent. et John Lie-A-Fo doit s’exiler aux Pays-Bas. Là, il peint sa colère sous toutes ses formes, son « Gernica » à lui. Il expose en Europe et sa réputation grandit. Admirateur passionné de Picasso, il réalisera quelques toiles d’inspiration cubiste, avant d’entrer définitivement dans son univers personnel. La peinture de Lie-A-Fo change radicalement vers la fin des années 70, on voit apparaître des couleurs fortes, des rouges vifs, un univers ésotérique prend forme, avec ses mythes, ses rites et ses esprits, et des formes de l’alphabet afaka sont intégrées dans ses peintures. (Plus tard, des artistes comme Lobie Cognac et Marcel Pinas utiliseront aussi cet alphabet.) En représentant avec une incroyable densité la sagesse et la force des cultures amérindienne et bushinengué, John Lie-A-Fo nous montre que le sorcier avec ses herbes vaut bien le curé avec son goupillon.

John Lie-A-Fo, artiste professionnel

Vivre de son art, et faire vivre sa famille, c’est un tour de force que peu d’artistes peuvent accomplir à l’époque actuelle. Si le succès ne se dément pas pour John Lie-A-Fo depuis de nombreuses années, l’authenticité et la force de ses œuvres doivent aussi s’accompagner de vigilance. C’est bien fini, assure Lie-A-Fo, le temps où Picasso posait sur une photo avec ses deux vieux marchands de tableaux qui l’avaient accompagné durant toute sa vie, maintenant les galeries te prennent et te pressent comme un citron, et quand tu n’as plus de jus, ils prennent un autre citron. Il faut faire attention, ajoute-t-il, il faut garder de la ressource, et c’est bien pour ça que je me suis arrêté pendant deux ans pour faire mes recherches personnelles.

La rétrospective JOHN LIE-A-FO pourra être visitée à partir de dimanche 31 juillet 2005 à l’atelier de l’artiste, de 10h à 12h et de 16h à 18h.

Chemin Morne Coco - BP 134 - Remire Montjoly
Téléphone 0594 38 01 11
A ne manquer sous aucun prétexte.

Blada, juillet 2005

Rétrospective John Lie-A-Fo en ligne dans la photothèque de blada

John Lie-A-Fo sur le site de Gens de la Caraïbe

Oeuvres sur le site de la Galerie Art Lease d’Amsterdam

Sur l’alphabet Afaka

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