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C'était Le Dakar
par Gérard Police

« Le rallye Paris-Dakar est indécent.
Je compare cela à une bande de fêtards qui organisent un banquet,
mais pas chez eux, et qui entrent chez un pauvre pour ripailler sans l'inviter à partager.»
L'Afrique étranglée, René Dumont (1980, Editions du Seuil)

C'était en janvier 2006. Il y avait encore eu des morts sur le rallye le plus indécent de la planète. Pas des chèvres ni des chiens, mais des gens, des vrais. De regrettables dommages collatéraux. Mais le spectacle devait continuer, la pompe à phynances dictait sa loi. Beaucoup de gens ont alors commencé à hausser le ton, dans les médias, à demander qu'on mette fin à cette provocation mécanique. On croyait que ça n'en finirait jamais. J'en parlais au présent ; j'espère qu'on en parlera définitivement au passé :

Chaque année au Nouvel An est lancé le même rituel commercio-médiatico-sportif : un rallye appelé le Dakar, pour 4x4 bodybuildés et motos hyperspécialisées. A l’origine il partait de Paris, mais dernièrement de Lisbonne. A travers plusieurs pays d’Afrique et des déserts, l’enjeu est de souffrir pire qu’un Guillaumet dans les Andes, après avoir payé très cher pour cela, d’arriver jusqu’au bout pour pouvoir dire qu’on y était, et d’être le premier à Dakar au Sénégal, du moins quand on pilote pour le compte des « usines ». Le liquide vital n’est ni l’eau ni l’essence mais l’argent.

Tous les ans un, ou deux, ou trois conquérants de l’inutile y laissent leur vie. Reportages émouvants à la clé. Un motard australien s’est tué [2006] ; son nom, sa biographie, ses photos ont occupé l’actualité sportive du jour.

Régulièrement des spectateurs en font aussi les frais. On dit que l’enthousiasme des foules africaines au bord des pistes est incontrôlable, et même qu’il y a des retombées économiques positives du passage de la caravane dans un tourbillon de poussière, de gadgets publicitaires, et d’€uros.

Deux enfants africains ont été tués par les héros de la piste, qui « visitaient » le pays à 130 km/h dans leurs machines de guerre. Dans la presse de métropole on ne juge pas important de leur donner un nom :

Le Monde, 14 janvier 2006 :
Un deuxième garçon, cette fois âgé de 12 ans, est mort samedi 14 janvier, après avoir été heurté par un camion d'assistance au Sénégal, au lendemain de la mort d'un enfant d'une di-zaine d'années renversé, vendredi, par une voiture participant au Dakar-2006, a annoncé l'organisation du rallye-raid.
[…]
Le Dakar-2006 avait déjà été endeuillé par la mort du motard australien Andy Caldecott, lundi, et de l'enfant d'une dizaine d'années heurté vendredi par la voiture de l'équipage letton formé de Maris Saukans (36 ans) et Andris Dambis (47 ans), qui s'est retiré de la course après l'étape.

Dépêche Libération, samedi 14 janvier 2006 (Reuters - 16:26)
Paris - Pour la deuxième journée consécutive, un enfant est mort victime d'un accident sur les routes du Dakar, annoncent les organisateurs.
Le garçonnet, âgé de 12 ans, a été renversé par un camion d'assistance au cours de la 14e et avant-dernière étape du rallye courue entre Tambacounda et Dakar, ont-ils précisé sur le site internet de la course.
L'enfant est le troisième mort du Dakar 2006 après le motard australien Andy Caldecott, victime lundi d'un accident, et un enfant d'une dizaine d'années heurté vendredi par des concurrents lettons.

Heureusement, il y a les journalistes brésiliens (Folha de São Paulo, 14 janvier 06) :
Dakar enregistre un second décès lors de cette édition du rallye.
Le spectateur Boucabar Diallo, 10 ans, a été renversé hier alors qu’il assistait au passage du convoi prêt du village de Kourahoye, pendant l’étape entre la Guinée et le Sénégal. Il a été heurté par la voiture de Maris Saukans. Diallo a été emmené en hélicoptère à l’hopital mais est mort lors de son transfert […]

… et aussi ceux de France-Guyane (14 et 15 janvier 06) :
Décès d’un garçonnet heurté par un véhicule.
[…] Un jeune garçon d’une dizaine d’années, Boubacar Diallo, venu avec ses parents as-sister au passage du rallye, a été heurté par le véhicule N. 420 de la catégorie auto alors qu’il traversait la route […]

Il faut attendre le 17 janvier pour que Le Monde traite toutes les victimes en personnes égales :
« Faut-il arrêter le Dakar ? Le plus célèbre des rallyes-raids a une nouvelle fois laissé dans son sillage une traînée sanglante. Vendredi 13 janvier, Boubacar Diallo n'a pas pu finir de traverser cette portion de piste qui relie Labé à Tambacounda, entre Guinée et Sénégal. L'enfant de 12 ans est mort sur le coup. Le pilote Maris Saukans et son copilote Andris Dambis n'ont pu l'éviter. Les deux Lettons se sont arrêté peu après l'impact, effondrés. Le lendemain, le Sénégalais Mohamed Ndaw, 14 ans, a connu un sort identique, renversé par un camion d'assistance. Quatre jours plus tôt, le motard australien Andy Caldecott était mort en course. »

Lointain descendant masqué et nostalgique des épopées coloniales, le Dakar est un crime contre les Africains.

Janvier 2008 : on ne va pas pleurer sur la confiscation de leur gros joujou de riches.

Gérard Police
gerard.police@blada.com



Gérard Police est l'auteur de deux autres chroniques sur Blada :

Mars 2007 : Boycotter le Brésil ?
Septembre 2007 : Un pont vers l'Enfer ?

et d'un pamphlet sur la chasse à l'homme en Guyane : Publicité.

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